Quand il s'agit d'alerter sur le réchauffement climatique, les incendies, inondations ou encore la fonte des glaces sont souvent les premiers arguments invoqués. Mais si le dérèglement du climat est mauvais pour l'environnement, il l'est tout autant pour le corps humain. Certains professionnels de santé n'hésitent pas à assimiler l'urgence climatique à une crise de santé publique.
C'est notamment le cas de Neelu Tummala, médecin ORL au sein du cabinet George Washington University Medical Faculty Associates. Dans un article publié par le magazine Scientific American, elle explique notamment qu'«en tant que médecin des oreilles, du nez et de la gorge, [elle] voi[t] les effets de plus en plus souvent».
Go Green!!!
As a physician, I am increasingly aware of the intersection of the environment and health. The climate crisis is a global public health crisis.
When we start healing the planet, we will be able to… https://t.co/rxDcagqUSe— Neelu Tummala, MD, MA (@NeeluTummala) August 23, 2020
Pour commencer, la chaleur excessive a un impact considérable sur le corps humain. Elle peut être source d'épuisement, de «coup de chaud», d'anxiété mais aussi «d'une altération de la fonction cognitive» et même d'une «mort prématurée par maladie cardiaque et pulmonaire».
Neelu Tummala donne un exemple qu'elle rencontre fréquemment dans son cabinet : l'aggravation des symptômes d'allergie. Ces maux sont à relier directement au dérèglement du climat car «en plus de contribuer au réchauffement climatique, l'augmentation des niveaux de dioxyde de carbone augmente la quantité de pollen que les plantes produisent en raison de taux plus élevés de photosynthèse».
De manière générale, la qualité de l'air que nous respirons est un enjeu crucial de santé. Ainsi le médecin évoque également la pollution aérienne et notamment les particules fines, «en grande partie dues à la combustion de combustibles fossiles». Une fois inhalées, elles «voyagent dans les voies respiratoires et se déposent dans les minuscules sacs aériens, appelés alvéoles, des poumons». Elles provoquent alors une inflammation qui peut, par exemple, aggraver les symptômes de l'asthme. Globalement, la teneur de l'air en polluants, qui augmente avec la température, exacerbe les maladies cardiovasculaires ou respiratoires.
Des risques sanitaires «généralisés et complexes»
Il s'agit là d'effets directement observables, mais le réchauffement climatique a aussi un impact plus systémique sur notre santé présente et à venir. Neelu Tummala parle ainsi de risques sanitaires «généralisés et complexes» parce que le climat influe sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé tels que l'air pur, l'eau potable, la nourriture en quantité suffisante ou la sécurité du logement.
Par exemple, le réchauffement climatique a un impact sur la répartition des précipitations, ce qui entraîne des inondations plus fréquentes et plus intenses, qui elles-mêmes favorisent la prolifération d'insectes vecteurs de maladies. Les moustiques, qui pondent dans l'eau stagnante, transmettent notamment le paludisme et la dengue. Le premier tue près de 400.000 personnes par an et, selon certaines études, 2 milliards de personnes supplémentaires pourraient être exposées au risque de transmission de la dengue d'ici à 2080.
A terme, le caractère aléatoire des précipitations pourrait même avoir des effets néfastes sur l'approvisionnement en eau douce, donc sur l'hygiène, augmentant ainsi le risque de maladies diarrhéiques qui tuent près de 500.000 enfants âgés de moins de 5 ans par an, selon l'OMS. Sans compter les menaces de sécheresse et de famine liées à une pénurie d'eau.
Le nombre croissant de catastrophes naturelles fait également son lot de victimes et laisse de nombreuses personnes sans logement et sans services essentiels à proximité, comme le suivi médical. L'élévation du niveau des mers constitue notamment une menace conséquente puisque, selon l'OMS, plus de la moitié de la population mondiale vit à moins de 60 km de la mer. Cela pourrait donc occasionner des déplacements de population massifs, renforçant divers risques sanitaires comme les troubles de la santé mentale, à commencer par le stress post-traumatique.
Les projections de l'OMS ne sont pas optimistes puisqu'elles s'attendent à ce que le changement climatique entraîne près de 250.000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050, à cause de la malnutrition, du paludisme, de la diarrhée et du stress lié à la chaleur. Puisque le manque de moyens défavorise la prévention et l'adaptation, les populations les plus modestes, notamment dans les pays en développement, seront aussi les plus durement touchées.