Les Emirats arabes unis et Israël doivent signer d'ici trois semaines à Washington un accord historique destiné à normaliser leurs relations, ce qui ferait d'Abou Dhabi la troisième capitale arabe seulement à suivre ce chemin depuis la création de l'Etat hébreu, même si les lectures divergent sur le projet israélien d'annexion de territoires palestiniens.
Aux yeux des Emirats, en échange de cet accord, Israël a accepté «mettre fin à la poursuite de l'annexion des territoires palestiniens». «Lors d'un appel entre le président Trump et le Premier ministre Netanyahu, un accord a été trouvé pour mettre fin à toute annexion supplémentaire», a affirmé le prince héritier d'Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane sur son compte Twitter.
Mais Benjamin Netanyahu n'a pas confirmé, loin de là : l'annexion de pans de ce territoire palestinien occupé est «reportée» mais Israël n'y a «pas renoncé». «J'ai apporté la paix, je réaliserai l'annexion», a-t-il même proclamé.
«La formulation a été choisie avec soin par les différentes parties. 'Pause temporaire', ce n'est pas écarté définitivement», a avancé pour sa part l'ambassadeur américain en Israël, David Friedman.
Saluant l'accord trouvé, la France a jugé que «la décision, prise dans ce cadre par les autorités israéliennes, de suspendre l'annexion de territoires palestiniens est une étape positive, qui doit devenir une mesure définitive», selon le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.
L'Egypte et la Jordanie, les deux seuls pays arabes à entretenir des liens diplomatiques avec l'Etat hébreu après les traités de paix conclus respectivement en 1979 et 1994, sont restées mesurées.
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays est un allié des Emirats et des Etats-Unis, a sobrement salué l'accord, estimant que cela empêcherait une annexion de pans de la Cisjordanie. La Jordanie n'a ni salué ni rejeté l'accord, jugeant que son avenir dépendrait des prochaines actions d'Israël, qui doit mettre un terme à «son entreprise illégale» d'occupation de territoires, selon Aymane Safadi, chef de la diplomatie jordanienne.
«Jour historique»
L'annonce de l'accord a été faite par Donald Trump dans un tweet : «Une ENORME avancée», a tweeté le président américain en louant un «accord de paix historique» entre «deux GRANDS amis» de Washington. Il a par la suite précisé que l'accord serait signé «dans les trois prochaines semaines» à Washington, en présence des deux dirigeants israélien et émirati.
L'établissement de relations diplomatiques entre Israël et les alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient, y compris les riches monarchies du Golfe, est un objectif clé de la stratégie régionale de M. Trump pour contenir la République islamique d'Iran, ennemi intime de Washington et de l'Etat hébreu. Depuis sa fondation en 1948, Israël a de son côté eu des relations tumultueuses avec le monde musulman et arabe.
Pour Benjamin Netanyahu, il s'agit d'un «jour historique», d'un accord qui représente une «nouvelle ère» pour le monde arabe et Israël. A cette heure, cette annonce constitue aussi un accomplissement majeur en politique étrangère pour M. Trump, alors que la campagne pour sa réélection en novembre s'annonce difficile.
Dévoilé en janvier, un plan de M. Trump pour le Proche-Orient, immédiatement rejeté par les Palestiniens et critiqué par la communauté internationale, avait offert à Israël la possibilité d'annexer des territoires et colonies juives de Cisjordanie, considérées comme illégales au regard du droit international.
L'accord est en tout cas une «victoire» pour la diplomatie, a commenté l'ambassadeur des Emirats à Washington, Youssef al-Otaïba sur Twitter. «C'est une avancée pour les relations entre Israël et les pays arabes», a-t-il ajouté, soulignant que l'accord «préserve l'option de deux Etats (israélien et palestinien), défendue par la Ligue arabe et la communauté internationale».
Dans le même sens, le ministre d'Etat aux Affaires étrangères des Emirats, Anwar Gargash, a souligné que l'accord ouvrait la voie à l'option de deux Etats.
«La plupart des pays y verront une initiative courageuse pour garantir une solution à deux Etats, à l'issue de négociations», a-t-il déclaré en conférence de presse. Il n'a pas voulu donner de date précise pour l'ouverture d'ambassades entre Abou Dhabi et Israël, précisant toutefois que cela interviendrait «prochainement».
L'option de deux Etats a été ignorée jusqu'ici par le président Trump dont le plan de paix ne comporte aucune référence à un Etat palestinien vivant aux côtés d'Israël.
Saluant l'accord dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a confié espérer qu'il créerait «une occasion pour les dirigeants israéliens et palestiniens de reprendre des négociations substantielles, débouchant sur une solution à deux Etats conformément aux résolutions onusiennes en la matière».
Palestiniens vent debout contre l'accord
Pour sa part, le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, a salué «un pas en avant significatif pour la paix au Moyen-Orient». «Les Etats-Unis espèrent que cette étape courageuse sera la première d'une série d'accords qui mettront fin à 72 ans d'hostilités dans la région», a déclaré M. Pompeo.
Mais l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a, elle, qualifié de «trahison» l'accord de normalisation et a appelé à une «réunion d'urgence» de la Ligue arabe pour le dénoncer. En guise de protestation, elle a aussi ordonné le rappel "immédiat" de l'ambassadeur palestinien à Abou Dhabi.
«Les dirigeants palestiniens rejettent ce que les Emirats arabes unis ont fait. Il s'agit d'une trahison de Jérusalem et de la cause palestinienne», a indiqué dans un communiqué la direction palestinienne appelant à une «réunion d'urgence» de la Ligue arabe pour dénoncer le projet soutenu par les Etats-Unis.
Le Hamas palestinien l'a aussi condamné. Cet accord «ne sert pas la cause palestinienne mais est considéré comme une continuation du déni des droits du peuple palestinien», a dit à l'AFP Hazem Qassem, porte-parole du mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza.