L'accroissement des pouvoirs visant à censurer Internet à Hong Kong, en vertu de la nouvelle loi de Pékin, a suscité une levée de boucliers chez les géants américains des réseaux sociaux, tout en provoquant la suspension de la plateforme chinoise Tiktok dans l'ancienne colonie.
L'annonce la plus retentissante est venue mardi matin de Tiktok, propriété du groupe chinois ByteDance. «A la lumière des événements récents, nous avons décidé d'arrêter l'appli Tiktok à Hong Kong», a déclaré un porte-parole.
Quelques heures auparavant, Facebook, Google et Twitter avaient annoncé qu'ils ne répondaient plus aux demandes d'informations sur leurs utilisateurs émanant du gouvernement et des autorités de Hong Kong.
Dans le même temps, un document de 116 pages a été publié par le gouvernement hongkongais, qui confère, en vertu de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, plus de pouvoirs à la police, notamment en matière de surveillance.
Cette loi, imposée par le régime chinois il y a tout juste une semaine, vise à réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Son contenu est demeuré secret jusqu'à sa promulgation.
Même si le gouvernement de Pékin a assuré qu'elle ne concernerait qu'une minorité de personnes, l'inquiétude croit au fur et à mesure que sont dévoiles les détails de son contenu.
Mesures «orwelliennes»
Les dispositions les plus récentes laissent augurer d'un changement radical pour Hong Kong en matière de libertés et de droits.
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a déclaré lundi sur la chaîne Fow News, que les Etats-Unis «envisageaient» de leur côté d'interdire les applications chinoises.
Quelques heures plus tôt, il avait qualifié d'«orweliennes» les mesures de cette loi qui qui vise, depuis son entrée en vigueur de ce texte, à censurer les militants pro-démocratie, les écoles et les bibliothèques.
L'accord de rétrocession en 1997 de l'ex-colonie britannique à la Chine, garantissait durant cinquante ans à Hong Kong des libertés et une autonomie inconnue en Chine continentale.
Au fil des ans, une partie de la population s'est inquiétée d'une érosion croissante de ses libertés et du pouvoir grandissant de la Chine. Un mouvement pro-démocratie a pris de l'ampleur jusqu'à aboutir l'an dernier à une crise politique, avec sept mois de manifestations monstres et parfois violentes.
La Chine n'a jamais caché son désir de faire usage de loi pour mettre fin au mouvement en faveur de la démocratie. «Le gouvernement hongkongais va appliquer vigoureusement la loi», a martelé mardi Carrie Lam, la cheffe de l'exécutif désignée par Pékin.
«Ligne rouge»
Elle a mis en garde les militants «radicaux» contre tout «franchissement de la ligne rouge», martelant que «les conséquences d'une violation de cette loi sont très graves».
Après le retrait dans les bibliothèques et des écoles de livres écrits par des partisans de la démocratie, le document publié lundi montre qu'il entend également faire régner l'ordre sur internet.
La police pourra contrôler et supprimer sur internet toute information s'il y existe des «motifs raisonnables» de penser qu'elle viole la loi sur la sécurité nationale. Les entreprises du secteur et les prestataires pourront être contraints de retirer toute information et leur matériel susceptible d'être saisi.
Dans le cas où elles refuseraient de s'exécuter, elles seront passibles d'amendes et d'une peine allant jusqu'à un an de prison.
Les sociétés sont également tenues de fournir les registres d'identification ainsi qu'une assistance pour permettre de déchiffrer des données.
Big tech unease
Les trois géants américains des réseaux sociaux refusent de se plier aux futures injonctions des autorités.
Facebook et sa messagerie WhatsApp, ainsi que Twitter et Google ont déclaré qu’ils ne feraient pas suite aux demandes émanant du gouvernement Hongkongais dans le futur immédiat.
«Nous pensons que la liberté d'expression est un droit humain fondamental et soutenons le droit des personnes à s'exprimer sans craindre pour leur sécurité et sans redouter d'autres répercussions», a indiqué un porte-parole de Facebook. Twitter a fait part de ses «graves inquiétudes» concernant cette loi.
Quelques heures plus tard, Tiktok, a annoncé l'arrêt complet de son application sur le territoire semi-autonome d'ici quelques jours. De nombreux Hongkongais se méfiaient pourtant de cette plateforme qui est la propriété de Chinois.
ByteDance a toujours nié partager les données des utilisateurs avec les autorités chinoises et affirmé qu'il n'avoir pas l'intention de commencer à le faire.
Depuis son entrée en vigueur, il y a une semaine, nombre de Hongkongais se sont dépêchés d'effacer les traces informatiques de leur engagement pro-démocratie.