Un manque criant de coordination. Chacun de leur côté, les pays européens annoncent tour à tour la réouverture de leurs frontières nationales - fermées pour cause de coronavirus -, à des degrés et selon des calendriers différents, donnant le sentiment d'une véritable cacophonie sur le Vieux Continent.
L'Italie a été la première à sauter le pas, en rouvrant ses frontières à tous les ressortissants européens dès le 3 juin, afin de sauver son industrie touristique, un secteur qui représente 13 % du PIB italien. Plus tôt, dès le 15 mai, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie avaient rouvert leurs frontières communes, créant la première «bulle de voyage» au sein de l'UE.
Le continent devrait retrouver un semblant de cohésion ce lundi 15 juin. En effet, à cette date, plusieurs pays, parmi lesquels la France, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, la Grèce et l'Autriche, vont rouvrir leurs frontières avec les autres Etats européens. Mais lorsque l'on regarde dans le détail, aucune politique harmonisée à l'échelle du continent ne se dégage.
Si la France, l'Allemagne, la Suisse et la Belgique vont rétablir la libre circulation avec l'ensemble des Etats européens sans distinction - comme ce qu'a fait l'Italie au début du mois, imitée depuis par la Serbie, la Croatie et la Pologne notamment -, d'autres pays ont fait le choix de rouvrir leurs frontières en maintenant des restrictions pour les voyageurs en provenance des destinations où le taux d'infection est encore jugé trop élevé.
C'est le cas de l'Autriche, des Pays-Bas, de la Hongrie, de la Bulgarie, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie, de l'Estonie, de la Lituanie ou encore de la Lettonie. Chacun a sa propre liste de zones jugées à risque. La Suède et le Royaume-Uni y figurent toujours. S'y ajoutent souvent l'Espagne et le Portugal. Parfois les Pays-Bas, la Belgique et la France. Concrètement, soit les voyages depuis ou vers ces destinations sont proscrits, soit un test de dépistage négatif au Covid-19 ou une quarantaine de 14 jours est requis.
A CHACUN SA STRATÉGIE
D'autres Etats, situés dans le Nord de l'Europe, ont carrément décidé de limiter la réouverture des frontières ce lundi 15 juin à leurs voisins proches. Ainsi, la Norvège et la Finlande n'accepteront que des voyageurs en provenance des pays nordiques, à l'exception de la Suède. Le Danemark est encore aussi sélectif, puisqu'il limitera à partir de ce lundi son accueil aux personnes venant d'Allemagne, de Norvège ou d'Islande.
Le Royaume-Uni est lui un cas à part, puisqu'il a instauré une quarantaine obligatoire de quatorze jours pour tout voyageur arrivant de l'étranger, une mesure également décrétée en Irlande. Mais certains pays européens seraient prêts à mettre en place des «bulles de voyages» dès le mois de juillet pour pouvoir accueillir des touristes britanniques qui seraient dispensés de quarantaine à leur retour, selon le Financial Times.
Bien que la Commission européenne ait appelé les Etats membres à lever «toutes les restrictions» aux frontières intérieures de l'UE le 15 juin, certains ne comptent pas rouvrir du tout à cette date. L'Espagne, par exemple, ne va rétablir la libre circulation avec les autres pays européens, à l'exception du Portugal, que le 21 juin. Le Portugal qui, lui, ne va rouvrir ses frontières que le 1er juillet. D'autres pays, comme la Roumanie, n'ont même pas encore donné de calendrier de réouverture de leurs frontières.
A l'inverse, la Grèce, dont l'économie dépend énormément du tourisme (un cinquième du PIB), se montre beaucoup plus accueillante. Elle va anticiper la réouverture des frontières extérieures de l'UE, prévue à partir du 1er juillet, en accueillant à partir du 15 juin des touristes venant de pays extérieurs à l'UE, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
Tensions entre certains pays
Ce manque d'harmonisation à l'échelle européenne provoque la colère de certains Etats membres, notamment la Belgique, qui déplore que «certains pays (soient) entrés dans une forme de concurrence touristique», selon les mots du chef de la diplomatie belge Philippe Goffin, interviewé le 6 juin par le quotidien La Libre Belgique, ciblant notamment l'Italie. Rome qui a justement demandé au début du mois «la réciprocité» à ses partenaires européens sur la réouverture des frontières, agacée par le choix de l'Autriche et de la Suisse de garder leurs frontières fermées. La décision de l'Espagne au début du mois de rouvrir ses frontières le 1er juillet - une date depuis avancée au 21 juin, excepté pour le Portugal - a de son côté fait grincer des dents à Lisbonne, où l'on a dénoncé un manque de coordination avec Madrid.
In fine, ceux qui sont le plus lésés par ces réouvertures de frontières désordonnées - à l'image des fermetures décrétées au début de l'épidémie de coronavirus - sont les voyageurs, qui ne savent toujours pas précisément dans quels pays étrangers ils pourront partir en vacances cet été. En France, le gouvernement invite donc depuis plusieurs semaines les Français à rester dans l'Hexagone en juillet et août. «Cette année, l'idée est plutôt de passer ses vacances en France», a ainsi déclaré fin mai la ministre des Transports et de la Transition écologique Elisabeth Borne.