Pour mettre fin au coronavirus, tous les grands laboratoires pharmaceutiques de la planète, ainsi qu’une multitude de biotechs, se sont lancés dans une course effrénée pour tenter de mettre au point un vaccin efficace et sans danger.
Près de trois mois après que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré, le 12 mars dernier, l'état de pandémie face à la propagation du SARS-CoV-2, on recensait ainsi au total pas moins de 169 projets de candidats vaccins, selon le recensement établi et mis à jour en temps réel par la London School of Hygiene & Tropical Medicine, l'une des plus grandes universités britanniques spécialisée en santé publique.
Mais à une écrasante majorité, la plupart de ces vaccins n'en sont encore qu'au stade préclinique de leur développement. Concrètement, cela signifie que ces sérums sont pour le moment évalués in vivo, dans des systèmes vivants non humains, comme des animaux.
Une dizaine d'essais cliniques en cours
A côté d'eux, on comptait seulement une dizaine de projets de vaccins plus avancés au point de faire l'objet d'essais cliniques.
Ce club très restreint prend des allures de champ de bataille en impliquant surtout la Chine et les Etats-Unis, mais également l'Europe qui cherche coûte que coûte à faire sa place.
Bien que l'issue soit incertaine, l'enjeu est, lui, phénoménal car le scientifique qui trouvera le vaccin rentrera dans l'Histoire, le laboratoire qui le développera touchera le jackpot et le pays qui en sera à l'initiative en tirera un bénéfice politique planétaire. Focus sur les sérums à ce jour les plus aboutis et vers lesquels tous les regards sont tournés.
L'Américain Moderna au centre de l'attention
Dirigée par le Français Stéphane Bancel, la société biotechnologique américaine Moderna s'apprête à tester à grande échelle sur l'homme un vaccin qu'elle a créé en seulement quelques semaines.
Sa méthode ultra-rapide est dite celle de l'ARN messager. Concrètement, cela signifie que contrairement à un vaccin classique, Moderna utilise une partie seulement du code génétique du virus. Cette technologie visant à donner au corps humain les informations génétiques nécessaires pour déclencher préventivement la production d'anticorps contre le coronavirus.
Depuis le 16 mars, Moderna a déjà testé son vaccin sur 45 volontaires. Puis après avoir dévoilé, le 18 mai dernier, des résultats jugés prometteurs chez huit patients qui avaient produit des anticorps neutralisants, le laboratoire a fait la une de l'actualité.
Pourtant, les données des 37 autres patients ne sont toujours pas disponibles, suscitant des interrogations de la part de la communauté scientifique.
Reste que la société Moderna est bien décidée à tester son vaccin sur plusieurs milliers de personnes dans le monde d'ici à juillet. De son côté, Donald Trump a déjà fait savoir qu'il veut 300 millions de doses d'ici à janvier 2021 pour vacciner la population américaine quand bien même la technique dite de l'ARN messager n'a jusqu'à présent jamais fait ses preuves.
Créée en 2010, Moderna Therapeutics s'est fait une spécialité dans le traitement du cancer ou des maladies cardiovasculaires. Elle n'a pourtant jusqu'ici jamais produit de vaccin. Il demeure que Donald Trump veut y croire et a alloué à la société un financement exceptionnel de 483 millions de dollars (environ 440 millions d'euros). Le laboratoire américain a même déjà signé un accord avec le groupe suisse Lonza pour produire un milliard de doses annuelles en cas de succès.
Plusieurs vaccins expérimentaux en Chine
La Chine - d'où est partie la pandémie - entend bien se rattraper et compte pour cela plusieurs vaccins expérimentaux anti-covid 19.
Le pays a déjà 4 laboratoires engagés dans des essais cliniques, dont deux sur les humains : Sinovac et CanSino.
Le premier, Sinovac Biotech, est connu pour avoir coiffé sur le poteau en 2009 ses concurrents en devenant le premier laboratoire au monde à mettre sur le marché un vaccin contre la grippe porcine H1N1.
Concernant le SARS-CoV-2, ou nouveau coronavirus, Sinovac assure avoir obtenu des résultats encourageants chez le singe, avant d'administrer son vaccin - déjà baptisé Coronavac - pour la première fois à 144 volontaires en avril dernier. Il espère maintenant obtenir d'ici à la fin du mois de juin de premiers résultats quant à la sécurité de son produit, dans le cadre des essais de phase 1 et 2.
Même si son vaccin n’a pas encore fait ses preuves, le groupe privé se dit prêt à produire 100 millions de doses par an pour combattre le virus.
Face à Sinovac, le vaccin du groupe de biotechnologie CanSino, en association avec l'Ecole militaire des sciences médicales, se trouve à un stade encore plus avancé et a été le premier à commencer la phase 2 des tests cliniques, celle où laquelle le nombre de participants est encore plus élevé. Des tests sont en cours au Canada et si tout se passe bien, la phase 3 pourrait démarrer dès cet automne.
Là encore, en cas de succès, des millions de doses de ce candidat vaccin nommé Ad5-nCoV pourraient être produites. D'ailleurs, pour l'occasion, les habituels obstacles bureaucratiques en Chine ont été levés. Et déjà une usine se construit pour pouvoir mettre en route la production si le sérum est approuvé.
En Europe : le royaume-uni et l'allemagne en tête
Dans la course au vaccin contre le coronavirus, trois pays se détachent en Europe : le Royaume-Uni d'abord, puis l'Allemagne et dans une moindre mesure la France.
Le 16 mai dernier, le gouvernement britannique a annoncé qu'il débloquerait 84 millions de livres supplémentaires (94 millions d'euros environ) pour soutenir la recherche menée par l'Imperial College de Londres et l'institut Jenner de l'Université d'Oxford.
Le but : être prêt à produire en masse le vaccin en question en cas de succès, alors qu'il vient tout juste d'entamer la phase des essais cliniques chez des humains.
Avant cela, l'université d'Oxford avait également conclu, fin avril, un accord avec le laboratoire pharmaceutique britannique AstraZeneca concernant la fabrication et la distribution du vaccin. Trente millions de doses pourraient être disponibles d'ici à septembre pour le Royaume-Uni, si le produit est approuvé.
En Allemagne, des essais cliniques sur des humains de phase 1 sont également menés par le laboratoire de biotechnologie BioNTech. Dans un premier temps, le vaccin sera testé sur 200 volontaires en bonne santé âgés de 18 à 55 ans puis, en phase 2 et si tout va bien, le test sera répété sur 500 personnes à risque, c'est-à-dire âgées de plus de 55 ans et présentant des antécédents de maladie.
Basée à Mayence, capitale du Land de Rhénanie-Palatinat, BioNTech est l'une des deux firmes allemandes leader en matière de biotechnologie et bien placée dans la course au vaccin. Sa rivale CureVac, située, elle, dans la petite ville de Tübingen, avait défrayé la chronique au mois de mars après qu'une rumeur selon laquelle Donald Trump lui avait proposé une somme conséquente pour s'assurer la distribution exclusive du vaccin aux États-Unis avait circulé. Une offre refusée et une affaire qui avait déclenché un tollé en Allemagne.
De l'autre côté du Rhin, en France, le tricolore Sanofi a dernièrement lui aussi fait beaucoup parler après avoir maladroitement annoncé, le 13 mai dernier, que s'il trouvait en premier le vaccin contre le coronavirus, il en réserverait la primeur aux Etats-Unis qui ont financièrement beaucoup investi dans leur recherche.
Edouard Philippe et Emmanuel Macron avaient dû, dès le lendemain, rattrapé le tir, en rappelant qu'un tel vaccin «devra être un bien public mondial» et que «l'égal accès de tous au vaccin n'est pas négociable.»
De son côté, l'Institut Pasteur qui travaille à trois projets de vaccins différents (dont un basé sur une modification d'un sérum utilisé contre la rougeole) s'est lui aussi fait remarquer en estimant possible d'avoir un vaccin efficace d'ici à la fin de l'année 2020.
Cela même alors qu'un délai de douze à dix-huit mois minimum a souvent été avancé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou d'autres agences sanitaires.