A cause du coronavirus, la Banque mondiale prévoit que les transferts d'argent d'expatriés vers leur pays d'origine chutent cette année de près de 20 % dans les Etats les plus pauvres de la planète. Une très mauvaise nouvelle pour ces pays, qui dépendent énormément de cette source de revenus.
Selon un rapport de la Banque mondiale publié le 22 avril, ces transferts d'argent à destination des Etats à revenu faible et intermédiaire diminueront de 19,7 % en 2020, pour tomber à 445 milliards de dollars (410 milliards d'euros), contre 554 milliards en 2019 (510 milliards d'euros), un niveau record. Une baisse «sans précédent» selon l'institution financière internationale, la crise économique de 2008 n'ayant par exemple réduit les envois de fonds aux pays en développement que d'environ 6 % en 2009.
Nos prévisions face à la crise économique induite par la pandémie de #coronavirus :
les envois de fonds des #migrants devraient chuter d’environ 20 %
baisse des IDE de + de 35 %
Quel sera l’impact sur l’économie et les populations ? #envoisdefonds #covid19— Banque mondiale (@Banquemondiale) April 23, 2020
L'ensemble des grands ensembles géographiques identifiés par la Banque mondiale devraient être affectés par cet effondrement des transferts d'argent selon elle. Même si certains le seront plus que d'autres. C'est en effet l'Europe et l'Asie centrale qui devraient être les plus touchées (-27,5 %), devant l'Afrique subsaharienne (-23,1 %) et l'Asie du Sud (-22,1 %).
L'explication de ce phénomène est toute trouvée : la crise du coronavirus. Elle a en effet mis au chômage des millions de personnes à travers le monde, et fait perdre une partie de leurs revenus à de nombreuses autres (via le chômage partiel notamment), en raison des mesures de confinement mises en place autour de la planète pour freiner l'épidémie. Quant aux travailleurs migrants, ils sont «souvent particulièrement exposés aux pertes de revenu et d’emploi en cas de crise économique dans leur pays d'accueil», explique la Banque mondiale. «La récession économique causée par la pandémie de Covid-19 met sérieusement à mal la capacité des migrants à envoyer de l’argent chez eux», estime ainsi le président de l'organisation, David Malpass.
Sans compter la fermeture des banques et des services de transfert d'argent, tels que Western Union, MoneyGram ou Ria, qui compliquent techniquement les envois de fonds. Idem pour la suspension de nombreuses liaisons aériennes et les fermetures de frontières, qui empêchent les migrants de confier de l'argent à un proche rentrant au pays.
«Une source vitale de revenus» pour les pays pauvres
Cette chute des envois de fonds a de quoi inquiéter les pays pauvres, pour qui ils sont «une source vitale de revenus», souligne David Malpass. En effet, ils représentent par exemple en Haïti et au Soudan du Sud 34 % du PIB (produit intérieur brut), 28 % au Népal, ou 19 % aux Comores. Selon la Banque mondiale, ces transferts d'argent de la diaspora comptent pour au moins 5 % du PIB dans 66 pays du globe. «A une échelle plus micro-économique, il n'est pas rare que la subsistance du ménage soit en partie assurée par un ou plusieurs membres ‘partis à l’aventure’», explique pour The Conversation Flore Gubert, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).
Autre illustration de l'importance de ce canal de revenus pour les pays pauvres, ces envois de fonds sont souvent supérieurs à l'aide publique au développement qu'ils reçoivent (qui représentait au total 153 milliards de dollars en 2019, soit 141 milliards d'euros). En 2019, les transferts d'argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont par ailleurs dépassé les investissements directs étrangers (IDE), note la Banque mondiale. Et même avec la chute de ces envois de fonds, ceux-ci devraient cette année «constituer une source encore plus importante de financement extérieur pour ces pays», selon la Banque mondiale, en raison d'«un repli plus marqué (plus de 35 %) des IDE».
Face à cet effondrement à prévoir des transferts d'argent, la Banque mondiale appelle les pouvoirs publics de tous les pays à faciliter techniquement l'envoi de fonds. Pour cela, elle demande à ce que les agences de transfert d'argent soient considérées comme des activités essentielles, ce qui permettrait de les maintenir ouvertes pendant la période de confinement. L'institution internationale prévoit tout de même un rebond en 2021 (+5,6 %, pour atteindre 470 milliards de dollars, soit 433 milliards d'euros), bien qu'elle reconnaisse que «l’évolution des envois de fonds est difficile à anticiper», «faute d’éléments précis pour mesurer l’impact de la pandémie de Covid-19».