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La crise du coronavirus peut-elle faire exploser l’Union européenne ?

Le 26 mars dernier, un Conseil européen par visioconférence a accouché d'un échec des discussions sur la réponse économique commune à apporter à la crise du Covid-19. Le 26 mars dernier, un Conseil européen par visioconférence a accouché d'un échec des discussions sur la réponse économique commune à apporter à la crise du Covid-19. [Ian LANGSDON / POOL / AFP]

Une nuit de négociations, mais toujours pas d'accord. Les 27 Etats membres de l'Union européenne ont de nouveau étalé leurs divergences sur la réponse économique commune à apporter à la crise du coronavirus au cours d'une très longue réunion de l'Eurogroupe mardi soir. De là pour certains à mettre en danger la survie de l'UE.

Les Vingt-Sept s'écharpent en particulier sur la création de «coronabonds», un instrument financier qui permettrait de mutualiser les dettes des Etats membres de la zone euro, destiné à relancer l'économie sur le long terme une fois la crise passée. L'Italie, pays du monde le plus endeuillé par le Covid-19 (plus de 17.000 morts), y est favorable, tout comme l'Espagne et la France. Au contraire de l'Allemagne et des Pays-Bas, qui excluent de s'engager dans un emprunt commun avec des Etats très endettés comme l'Italie, l'Espagne ou le Portugal, qu'ils jugent laxistes dans leur gestion.

Yves Doutriaux, professeur de géopolitique à l'Université Paris-Dauphine, rappelle que la mise en place d'obligations européennes est «une vieille question, récurrente, qui oppose les pays d'Europe du Nord à ceux du Sud». Elle avait notamment été mise sur la table au sortir de la crise économique de 2008, afin que les pays les plus en difficulté financière - en particulier la Grèce - puissent emprunter à des taux plus bas, mais l'opposition (déjà) de l'Allemagne et des Pays-Bas avait empêché le projet d'aboutir. 

Ce sujet - qui a provoqué l'échec du Conseil européen du 26 mars et la réunion des ministres des Finances des pays de la zone euro mardi - bloque actuellement toute réponse collective européenne à la crise du coronavirus, et fait porter le risque d'un effondrement de l'UE selon certains. «Le climat qui semble régner entre les chefs d'Etat et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l'Union européenne», a ainsi averti le 28 mars l'ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, 94 ans, qui ne s'exprime maintenant plus que très rarement. Un avis partagé par le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire. L'Europe «explosera si elle ne fait pas preuve de solidarité», prévient-il, jugeant que la création d'un fonds de solidarité pour assurer le redémarrage simultané des économies du bloc après la crise est essentielle. 

La guéguerre des masques

Ces divisions à l'intérieur de l'UE se sont également manifestées à travers quelques affaires médiatisées. Le 1er avril, L'Express a révélé que la France avait réquisitionné début mars à Lyon 4 millions de masques de protection appartenant à une entreprise suédoise, dont deux millions étaient destinés à l'Espagne et l'Italie, et un million à la Suisse. Une affaire qui a provoqué un accrochage diplomatique entre Paris et Stockholm, la Suède envisageant de dénoncer la France à la Commission européenne. Après de longues tractations, les masques ont finalement été restitués.

Une histoire qui en rappelle une autre, mi-mars, lorsque la police tchèque a saisi plus de 100.000 masques en provenance de Chine, destinés à l'Italie. Un vol pour les médias italiens, un malentendu pour Prague. Pour prouver leur bonne foi, les autorités tchèques ont par la suite envoyé 110.000 masques à Rome. De quoi tout de même provoquer la colère de l'Italie, qui accuse par ailleurs l'Europe de ne pas l'avoir aidée au début de l'épidémie. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen l'a reconnu dans une tribune parue le 2 avril dans la presse italienne, présentant «ses excuses» à l'Italie pour la réaction tardive de l'UE.

Symbole également de ce repli sur soi et de l'individualisme des Etats européens dans cette crise, la fermeture des frontières nationales décidée par de nombreux pays européens pour freiner la propagation du coronavirus, parmi lesquels la France, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne ou le Danemark. «Ce qui est en jeu, c’est la survie du projet européen (…) Le risque auquel nous sommes confrontés est la mort de Schengen», aurait déclaré Emmanuel Macron lors du Conseil européen fin mars, selon une source citée par Euractiv.

La solidarité européenne déjà à l'œuvre

Mais, pour Yves Doutriaux, ces divisions ne doivent pas faire oublier tout ce que l'Europe a d'ores et déjà réussi à faire ensemble depuis le début de l'épidémie. Que cela soit en termes de solidarité entre Etats membres (transferts de malades, notamment vers l'Allemagne, envoi de masques à l'Italie et à l'Espagne par l'Allemagne, la France ou encore l'Autriche, ainsi que de médecins roumains) ou d'initiatives communes, telles que l'essai clinique européen Discovery, destiné à tester quatre traitements contre le Covid-19.

Des mesures de soutien historiques ont également été décidées par les institutions européennes : suspension du Pacte de stabilité limitant le déficit public à 3 % du PIB, plan d'urgence de la Banque centrale européenne (BCE) à hauteur de 750 milliards d'euros pour racheter de la dette, ou encore déblocage de 37 milliards d'euros par la Commission européenne pour amortir le choc du Covid-19.

Et Yves Doutriaux se veut optimiste sur un futur accord concernant le plan de soutien économique européen. «Ce n'est pas la première réunion qui n'aboutit pas et qui doit se prolonger», assure-t-il, en référence à l'Eurogroupe à distance de mardi soir, ajoutant que les visioconférences «ne facilitent pas l'aboutissement de compromis». Mais, «au bout du compte on en trouvera un», anticipe ce spécialiste des questions européennes. Une nouvelle réunion des ministres des Finances de la zone euro est prévue jeudi. 

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