Un brusque changement de stratégie. Face à des prévisions alarmistes, laissant entendre que le coronavirus pourrait tuer plus de 250.000 personnes dans le pays, le Royaume-Uni a décidé ces derniers jours de prendre des mesures fortes pour freiner l'épidémie. Même si elles restent moins radicales que celles prises dans les pays voisins.
Lundi soir, lors d'une conférence de presse, le Premier ministre britannique Boris Johnson a demandé à la population d'éviter tout «contact social» et déplacement «non essentiel», en favorisant le télétravail et en cessant de fréquenter pubs, clubs et théâtres. Il a également recommandé aux «plus fragiles», en particulier les personnes âgées et les femmes enceintes, de s'isoler pendant douze semaines.
Dans la foulée mardi matin, le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a conseillé aux ressortissants britanniques d'éviter tout voyage à l'étranger «non essentiel» pendant au moins 30 jours, mettant en avant les limitations «sans précédent» à la circulation imposées dans le monde.
Des mesures pas obligatoires
Un nouvelle étape a donc été franchie outre-Manche dans la lutte contre la progression du Covid-19. Une virus qui a fait 55 morts dans le pays et contaminé plus de 1.500 personnes selon les chiffres officiels. Mais les tests n'étant pas effectués systématiquement malgré les recommandations de l'OMS, une estimation de 55.000 cas dans le pays semble «raisonnable», a déclaré le conseiller scientifique du gouvernement, Patrick Vallance interrogé au Parlement.
Ces nouvelles mesures restent moins radicales que celles prises dans les pays voisins, notamment en France, en Italie ou en Espagne. Elles ne sont en effet pas obligatoires, et ne prévoient ni fermeture des écoles, restaurants ou salles de spectacles, ni interdiction formelle des rassemblements, ni fermeture des frontières. On est donc loin des mesures les plus «audacieuses» réclamées mardi par l'OMS aux pays européens.
Elles constituent cependant un net renforcement par rapport à la stratégie controversée adoptée jusqu'alors, qui consistait essentiellement à isoler les personnes présentant des symptômes ou revenant de zones à risque, de façon à alléger la pression sur les services de santé et à favoriser l'émergence d'une «immunité collective». Concrètement, le gouvernement britannique envisageait de laisser le virus s'installer dans le pays et infecter 60 % de la population, afin que celle-ci développe une immunité de groupe qui permette d'empêcher un second pic épidémique en 2021.
Une immunité collective potentiellement meurtrière
Selon la presse britannique, l'exécutif a laissé tomber cette stratégie critiquée, utilisée également aux Pays-Bas, à la lecture d'un rapport de l'Imperial College de Londres, s'appuyant sur des données en provenance d'Italie, publié lundi. Selon cette étude, si le Royaume-Uni persistait dans sa stratégie visant à contenir plutôt qu'à stopper l'épidémie, il fallait alors s'attendre à un bilan humain extrêmement lourd, jusqu'à 260.000 morts, en raison d'une «submersion» du système de santé du pays.
Un chiffre très élevé qui tombe à «quelques milliers ou dizaines de milliers» avec des mesures de distanciation sociale telles que celles dévoilées lundi et mardi par l'exécutif britannique. «Si l'on peut limiter le nombre (de morts) à 20.000 ou moins, cela sera un bon résultat», bien que «cela reste terrible», a jugé Patrick Vallance.
Sauf que ces annonces ont provoqué la colère des dirigeants de l'industrie des pubs, des restaurants et des théâtres. Ils reprochent à Boris Johnson sa position mitigée, craignant de ne pas pouvoir faire jouer leur assurance tant que le gouvernement ne décrète pas la fermeture de leurs établissements. Ils attendent avec impatience la prise de parole du ministre des Finances Rishi Sunak, qui doit présenter ce mardi après-midi un ensemble de mesures destinées à soutenir les entreprises touchées par l'épidémie, après avoir annoncé la semaine dernière un financement d'urgence de 12 milliards de livres (13,2 milliards d'euros).