Il ne veut pas lâcher. Malgré la récente série de défaites face à Joe Biden et le retard accumulé, qui semble maintenant quasi insurmontable, Bernie Sanders a annoncé mercredi 11 mars qu'il restait dans la course à la primaire démocrate aux Etats-Unis. Le sénateur socialiste sera donc là ce dimanche pour affronter l'ancien vice-président dans leur premier débat en face-à-face.
Les derniers revers cuisants de Bernie Sanders, qui n'a gagné qu'un Etat (le Dakota du Nord) sur six lors du «mini-Super Tuesday» mardi, ne font pas perdre espoir à certains de ses partisans, qui croient encore à sa victoire, malgré les quelque 150 délégués de retard qu'il a désormais sur Joe Biden (710 contre environ 860, sur les 1.991 pour obtenir l'investiture). «Il reste encore les deux tiers des délégués à élire», note Jim Cohen, membre du comité de soutien de Bernie Sanders en France.
Un optimisme boosté par la perspective du débat de dimanche à Phoenix (Arizona) face à Joe Biden, qui va se tenir à huis clos pour cause de coronavirus. «La ruée vers Biden a été remarquablement rapide. Cela montre que son soutien n'est pas constant. Il est donc possible que si sa performance lors du débat est très mauvaise dimanche, on assiste à la renaissance de Bernie Sanders», affirme à The Atlantic l'analyste politique Robert Reich, ancien secrétaire au Travail sous Bill Clinton.
Même si la politologue Nicole Bacharan, spécialiste des Etats-Unis, souligne elle aussi le fait que l'avance de Joe Biden «n'est pas colossale», l'auteure du livre «Le monde selon Trump» (éditions Tallandier) ne croit pas au come-back de Bernie Sanders. «Il faudrait qu'il fasse des scores extrêmement élevés aux prochains votes, ce qui semble improbable, les prochains Etats qui se prononcent ne lui étant pas favorables», analyse-t-elle. En effet, dans les quatre Etats appelés aux urnes mardi (Arizona, Floride, Illinois, Ohio), Bernie Sanders avait perdu lors de la primaire de 2016 face à Hillary Clinton, et est aujourd'hui devancé partout dans les sondages par Joe Biden.
Obtenir des concessions de Biden
Pour Nicole Bacharan, ce n'est plus le doux rêve d'une victoire finale qui fait tenir Bernie Sanders. Selon elle, même lui semble ne plus se faire d'illusions. «Ce qu'il veut désormais, c'est influencer le programme de Joe Biden, avant de se désister», estime la politologue. Un avis partagé par Jim Cohen, membre de France for Bernie 2020. «Il va maintenant essayer de faire pression sur Biden pour qu'il accepte des concessions et change un peu le contenu de son programme», prévoit-il.
Et quoi de mieux qu'un débat en face-à-face contre l'ex-vice-président de Barack Obama, désormais archi-favori à l'investiture démocrate, pour mettre en œuvre cette stratégie ? Le sénateur de 78 ans a d'ores et déjà annoncé qu'il allait poser une série de questions à son rival dimanche, sur sa politique en matière de lutte contre le réchauffement climatique, sur la couverture santé universelle qu'il propose («Medicare for all»), ou encore sur la position de Biden au sujet des inégalités de revenus aux Etats-Unis.
«Je dis à l’establishment démocrate, pour gagner à l’avenir, il sera indispensable de gagner la confiance des électeurs qui représentent l'avenir de notre pays et d'aborder les questions qui les préoccupent», a lancé Bernie Sanders mercredi depuis sa ville de Burlington dans l'Etat du Vermont, après avoir assuré que sa campagne gagnait «le débat générationnel», insistant sur les très bons scores qu'il enregistre auprès des jeunes Américains. Entre les lignes, on comprend donc que l'objectif du socialiste autoproclamé est de «gauchiser» le programme du centriste Joe Biden, pour notamment remporter le vote des jeunes et ainsi battre le «dangereux» Donald Trump.
Un pari dangereux pour les démocrates
Mais, selon certains observateurs, cette stratégie pourrait également se retourner contre le parti démocrate. En effet, en restant dans une course quasiment perdue d'avance face à Joe Biden, l'establishment démocrate craint que Bernie Sanders ne fasse qu'affaiblir l'ancien vice-président, tout en empêchant le parti de jeter dès maintenant toutes ses forces dans la bataille face à Donald Trump. «Au plus tôt la campagne se termine, au plus tôt ils peuvent se tourner vers la présidentielle, et utiliser l'argent restant pour faire des campagnes plus ciblées», explique Olivier Richomme, maître de conférences à l'université Lyon 2.
Dans les jours à venir, la pression sur Bernie Sanders pour qu'il se retire devrait donc se faire intense. Les démocrates ont en effet encore à l'esprit le terrible souvenir de la présidentielle de 2016, qui s'était conclue par la défaite de leur candidate Hillary Clinton face à Donald Trump, mise en partie sur le dos de Bernie Sanders, qui avait à l'époque fait campagne jusqu'au bout de la primaire, refusant de jeter l'éponge malgré la défaite qui se profilait et jouant jusqu'au bout son rôle d'épine dans le pied de l'ex-Première dame.