Une personne peut-elle être infectée plusieurs fois par le SARS-CoV-2 ? C’est une question sur laquelle des spécialistes du monde entier se penchent depuis plusieurs mois. Et il semble que la réponse soit oui.
Selon une étude parue ce mardi 13 octobre dans la revue médicale The Lancet Infectious Diseases, un Américain a attrapé deux fois le Covid-19 à un mois et demi d'intervalle. Et les auteurs précisent que la deuxième infection était plus sévère que la première. «Nos travaux montrent qu'une infection antérieure pourrait ne pas nécessairement protéger contre une infection future», a expliqué le Pr Mark Pandori, auteur principal de l'étude.
C’est pourquoi les patients qui ont été «testés positifs au SARS-CoV-2 devraient continuer de prendre des précautions, dont la distanciation physique, le port du masque et le lavage des mains», a-t-il poursuivi.
Cinq cas de réinfection confirmés dans le monde
La patient, âgé de 25 ans, a été testé positif une première fois le 18 avril dernier. Il présentait alors les principaux symptômes de la maladie (mal de gorge et de tête, toux, nausée). Quelques jours après, son état s’est amélioré et il a ensuite été testé négatif à deux reprises. Mais 48 jours plus tard, le 5 juin, il à nouveau été testé positif, et a développé une forme plus grave du Covid-19. Il présentait notamment des signes de difficultés respiratoires. Il a ainsi été admis aux urgences et placé sous oxygène. Depuis, il s'est rétabli.
Afin de savoir s’il s'agit bien d'une réinfection, les médecins ont réalisé une analyse génétique qui a montré que ces deux infections successives avaient bien été causées par deux souches différentes du virus.
D’après cette revue, outre celui détecté dans l'état américain du Nevada, quatre autres cas ont déjà été confirmés : un à Hong-Kong, en Belgique, aux Pays-Bas, et en Equateur. Pour ce dernier cas, la deuxième infection était également plus grave que la première, alors que c'était l'inverse pour les trois autres. Mais d’après le professeur Pandori, il y en a surement davantage. «De nombreux cas de Covid-19 sont asymptomatiques», a-t-il rappelé. Si deuxième infection il y a, elle est ainsi difficile à repérer.
et d'autres patients pas réellement guéris ?
Au cours de ces derniers mois, en Asie, de multiples patients considérés comme guéris, ont également été une nouvelle fois testés positifs au Covid-19. Le site chinois Caixin avait indiqué, en février dernier, que 14% des personnes guéries du Covid-19 dans la ville de Guangdong, dans le sud du pays, avaient été testées positives à l’issue de tests ultérieurs. En janvier dernier, le gouvernement de la préfecture d'Osaka avait de son côté annoncé qu'une japonaise d'une quarantaine d'années avait été infectée deux fois.
Cependant, même si ces cas sont concrets, la plupart des scientifiques estiment que ce n'est pas nécessairement une réinfection. Il pourrait s’agir d’une «excrétion virale prolongée», selon Bruno Lima, chercheur au Centre international de recherche en infectiologie de l’université Claude-Bernard-Lyon-1, interrogé par Le Figaro. Cela signifie que la dernière étape du passage du virus dans le corps, au terme de laquelle il est évacué de l’organisme, a été plus longue que d'habitude. La médiane est établie à 20 jours, mais elle peut durer pour certains jusqu’à 37 jours, indique une étude parue dans The Lancet.
Les patients contrôlés une deuxième fois en Asie pourrait donc tout simplement avoir été considérés à tort comme guéris. «En fonction de la qualité du prélèvement, un patient négatif peut redevenir très faiblement positif», conclut le chercheur. «En réalité, les virus n’ont juste pas totalement été éliminés». Dans le New York Times, l'épidémiologiste Marc Lipsitch présente l'exemple d'un pot de confiture : si on enlève avec une cuillère la moisissure présente dans le pot, on pense qu'il n'y en a plus, mais en réalité, il peut toujours contenir de la moisissure, qui va progressivement se redévelopper.
quelle immunité par les anticorps ?
Face à ces cas de rechutes, d'autres chercheurs pointent le rôle joué par les anticorps. Après avoir été contaminées par un virus, les personnes développent des anticorps qui les protègent durant un certain temps contre une nouvelle infection. Mais dans le cas du coronavirus, le recul ne semble pas encore suffisant pour détailler la durée de l’immunité contre le virus, une fois celui-ci attrapé puis guérit. Elle peut être très longue, comme simplement transitoire.
En prenant exemple sur le SRAS, survenu en 2003, des personnes possédaient toujours des anticorps deux à trois ans plus tard. Ce qui empêchait qu'elles l'attrapent à nouveau. Mais, à ce stade de l'épidémie, impossible de savoir précisément ce qu’il est en est avec le Covid-19. «Il y a toujours de nombreuses inconnues sur les infections au SARS-CoV-2 et la réponse du système immunitaire», a souligné le Pr Mark Pandori. Selon lui, il faut ainsi «davantage de recherches pour comprendre combien de temps dure l'immunité contre le SARS-CoV-2 et pourquoi certaines de ces deuxièmes infections, bien que rares, sont plus sévères».