La primaire démocrate va passer à la vitesse supérieure. Alors que seulement quatre Etats américains se sont prononcés jusque-là, le «Super Tuesday», ce mardi 3 mars, verra 14 Etats voter au même moment pour choisir l'adversaire de Donald Trump lors de la présidentielle de novembre prochain. Cette avalanche de scrutins pourrait permettre d'y voir plus clair dans la course à l'investiture démocrate, où encore six candidats sont en lice.
Pas moins d'un tiers des délégués (ceux qui voteront lors de la convention d'investiture démocrate en juillet) sont en effet en jeu lors de ce «super mardi», au cours duquel 14 Etats voteront, ainsi que les îles Samoa américaines et les électeurs démocrates vivant à l'étranger (1.357 sur 3.979). Si ce chiffre est aussi important, comparé notamment aux 155 délégués distribués jusqu'ici, c'est que parmi les territoires qui se prononceront ce mardi figurent des Etats majeurs, en premier lieu desquels la Californie (415 délégués) et le Texas (228 délégués).
Ce «Super Tuesday» devrait donc avoir un impact non négligeable sur l'équilibre des forces entre les candidats, mais en faveur de qui ? Le suspense reste entier. En effet, alors qu'il y a encore deux semaines, le sénateur du Vermont Bernie Sanders, socialiste autoproclamé, paraissait bien parti pour obtenir un plébiscite lors du «Super Tuesday», après ses victoires dans le New Hampshire et le Nevada, Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama, est depuis revenu d'entre les morts. Et ce, à la faveur de son triomphe - à l'ampleur inattendue - en Caroline du Sud samedi 29 février (près de 50 % des voix, soit 35 délégués) et de l'abandon surprise dimanche de Pete Buttigieg, ex-maire de South Bend (Indiana), représentant comme Biden de l'aile modérée du parti démocrate.
La dynamique du côté de Biden
Ainsi, selon Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, «ce Super Tuesday ne sera pas décisif» dans la course à la Maison Blanche. Pour l'auteur de «Joe Biden : le troisième mandat de Barack Obama» (VA Editions), ni Bernie Sanders ni Joe Biden n'aura d'ascendant définitif en termes de nombre de délégués après l'annonce des résultats des scrutins de mardi. Même si «la dynamique» est plutôt du côté de Joe Biden, estime le politologue spécialiste des Etats-Unis. Les deux prochaines grosses journées de vote, les 10 et le 17 mars, lors desquels plusieurs Etats iront aux urnes en même temps, étant en effet plutôt à l'avantage de l'ancien numéro deux d'Obama.
L'hypothèse - de plus en plus possible - d'une convention contestée, c'est-à-dire lors de laquelle aucun candidat n'aurait la majorité absolue des délégués (1.991), est également plutôt favorable à Joe Biden, explique Jean-Eric Branaa. En effet, dans ce scénario, 770 «super-délégués» (des notables et élus du parti démocrate) entreraient alors aussi en piste et pourraient voter pour le candidat de leur choix. Le New York Times assure qu'une majorité d'entre eux sont prêts à tout pour «arrêter Bernie Sanders», jugé trop radical pour pouvoir battre Donald Trump, ce qui pourrait profiter au centriste Joe Biden.
L'inconnue Bloomberg
A ce flou autour des deux favoris s'ajoute l'inconnue Michael Bloomberg. Après avoir fait l'impasse sur les quatre premiers Etats, le milliardaire, ancien maire de New York, fait son entrée dans la primaire à l'occasion du «Super Tuesday». Entré tardivement en campagne, l'homme d'affaires s'est servi de sa fortune personnelle pour rattraper son retard en inondant les médias américains de publicités (il a déjà dépensé plus d'un demi-milliard de dollars en communication). Sa courbe dans les sondages a baissé après deux débats en demi-teinte, mais il reste malgré tout en troisième position au niveau national derrière Sanders et Biden. «Personne ne peut dire à l'heure actuelle l'impact qu'aura Bloomberg sur la campagne», assure Jean-Eric Branaa.
Si ces nombreux scrutins simultanés ne donneront donc vraisemblablement pas d'avantage décisif à un seul homme, ils pourraient en revanche être fatals à certains candidats. En dehors du trio de tête, trusté par trois hommes septuagénaires, deux candidates sont en effet encore en lice (Elizabeth Warren et Tulsi Gabbard, Amy Klobuchar ayant annoncé son retrait de la course à l'investiture démocrate pour se rallier à la candidature de l'ancien vice-président Joe Biden). Si, comme attendu, elles ne réussissent pas une percée lors du «Super Tuesday», elles pourraient jeter l'éponge juste après.
Selon Jean-Eric Branaa, c'est surtout le choix de la première, sénatrice du Massachusetts, à 14 % dans les sondages au plan national selon RealClearPolitics, qui sera scruté de près par ses rivaux. «Si elle reste dans la course après le 'Super Tuesday', elle fera chuter Sanders. Si elle abandonne, cela peut permettre à Sanders de revenir dans le jeu», résume le politologue, rappelant que les deux candidats sont sur la même ligne politique, à la gauche du parti démocrate, et que, tant que Warren reste en lice, elle prend des voix au sénateur du Vermont. Un émiettement des démocrates qui bénéficie jusque-là à Donald Trump, de son côté quasi assuré de pouvoir se présenter à sa réélection, les primaires républicaines en cours ressemblant davantage à un passage obligé pour le président américain qu'à une véritable compétition.