Son nom de scène est Asayel Slay. Rappeuse, cette jeune saoudienne a posté sur son compte Youtube le clip de sa chanson «Bint Makkah» («La fille de La Mecque»), dans laquelle elle vante la force et la beauté des femmes de la ville sainte. Depuis, les autorités ont demandé son arrestation.
La vidéo la montre souriante et entourée d'enfants qui dansent. Elle porte le voile et rappe sa fierté de faire partie des «filles de La Mecque» qu'elle qualifie de «bonbons sucrés».
Une mise en scène que Khaled al-Faiçal, le gouverneur de la ville sainte, a condamné. Il estime qu'Asayel Slay «offense les coutumes et traditions» des habitants. Le compte Youtube de la jeune femme a été suspendu et un ordre d'arrestation, évoquant une enquête et des sanctions, a été posté sur Twitter.
حزنت على مكة pic.twitter.com/C7uK04O2as
— وليد (@bixwd) February 19, 2020
Cette annonce n'a pas manqué de faire réagir les internautes parmi lesquels deux camps se sont rapidement distingués : ceux qui condamnent Asayel Slay et ceux qui la soutiennent.
Les premiers se sont réunis derrière le hashtag #You_Are_Not_Mecca's_Girls («Vous n'êtes pas les filles de La Mecque»), qui a donné lieu à des commentaires racistes. Certains détracteurs de la rappeuse ont en effet demandé son «expulsion», faisant référence à ses origines africaines et sa peau noire.
Un autre hashtag est alors venu leur répondre. Avec #Mecca_Girl_Represents_Me («La fille de La Mecque me représente») les soutiens d'Asayel Slay ont fait entendre leur indignation.
«Je viens de La Mecque et la seule chose que je trouve offensante est votre racisme et misogynie et votre guerre contre une jeune femme», a déclaré un internaute saoudien.
She’s a badass woman
This is so typical for the #Saudi government to do, bring western influencers to artwash the regimes crimes but attack real Saudi women who try to artistically express their cultural identities. This is racist, sexist & utter bullshit.#بنت_مكه_تمثلني https://t.co/I9IT9Qv4Gr— Amani Al-Ahmadi | أماني الأحمدي (@amani_aal) February 20, 2020
«C'est si typique du gouvernement saoudien : inviter des influenceurs occidentaux pour laver les crimes du régime mais attaquer les véritables femmes saoudiennes qui essaient d'exprimer artistiquement leur identité culturelle», a réagi une autre internaute.
Ce dernier tweet fait référence aux récentes levées de restrictions sur les divertissements dans le royaume ultraconservateur, sous l'impulsion du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Un concert de Nicki Minaj annulé
Des artistes comme BTS, Mariah Carey ou Nicki Minaj ont déjà été invités à se produire en Arabie Saoudite. Cette dernière avait d'ailleurs annulé sa participation à un festival, invoquant son soutien «aux droits des femmes, à la communauté LGBTQ et à la liberté d'expression».
Mais cet assouplissement des normes sociales -bien accueilli par les habitants, dont les deux tiers ont moins de 30 ans- s'est aussi accompagné d'une répression des opposants.
Les ONG ont ainsi dénoncé l'arrestation de journalistes, d'écrivains et de militants en novembre, et le royaume reste scruté par la communauté internationale sur son bilan en matière de droits humains.