Le Parlement portugais a commencé à examiner plusieurs textes en faveur de la dépénalisation de l'euthanasie, rejetée de justesse il y a près de deux ans mais qui a désormais de bonnes chances d'être adoptée jeudi en première lecture.
Cinq propositions de loi autorisant la «mort médicalement assistée», dont une déposée par le Parti socialiste au pouvoir, ont commencé à être débattues dans l'après-midi et devraient être votées dans la foulée.
Peu avant, des centaines de personnes ont manifesté devant l'Assemblée à l'appel de plusieurs organisations opposées à l'euthanasie. «Oui à la vie, non à la mort», ont crié les protestaires, dont certains brandissaient des banderoles proclamant «la vie d'abord» ou «ne tue pas, soigne!».
En mai 2018, le Parlement portugais avait rejeté à une très courte majorité de cinq voix plusieurs textes ouvrant la voie à l'euthanasie.
Depuis, les socialistes sont sortis renforcés des élections législatives d'octobre dernier, faisant pencher la balance en faveur d'une nouvelle loi. «Toutes les propositions seront adoptées, car nous avons maintenant une majorité parlementaire favorable à la dépénalisation de l'euthanasie», voulait croire Bruno Maia, médecin neurologue et dirigeant d'un mouvement en faveur du «droit à mourir dignement».
Le résultat du vote n'est pas garanti car ni les députés du PS ni ceux de la principale formation de droite n'ont reçu de consignes de vote. Toutefois, le Premier ministre Antonio Costa et le chef de l'opposition, Rui Rio, sont tous les deux favorables à l'euthanasie.
En revanche, l'Eglise catholique, très largement majoritaire au Portugal, les organisations représentatives des médecins et des infirmiers, ainsi que le Conseil national de l'éthique pour les sciences de la vie, un organe consultatif indépendant lié au Parlement, se sont opposés à un changement de la loi actuelle, qui admet déjà l'arrêt des traitements dans certains cas désespérés.
A la proposition socialiste, qui détermine «les conditions spéciales pour la pratique de l'euthanasie non punissable», s'ajoutent celles du Bloc de gauche (extrême gauche), du parti animalier PAN, des Verts et d'un député libéral.
Si les propositions sont adoptées en première lecture, elles seront rassemblées dans une seul texte avant un vote final qui pourrait intervenir avant l'été. Cette loi devra ensuite être soumise à la signature du président de la République, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa. Le chef de l'Etat n'a pas ouvertement pris position sur le sujet mais, en tant que fervent catholique, il pourrait opposer un véto, qui serait pourtant annulé par un deuxième vote des députés, ou envoyer le texte à la Cour constitutionnelle pour qu'elle juge de sa conformité avec la loi fondamentale du pays.
4e pays européen à légaliser l'euthanasie
Si ce processus législatif aboutit, le Portugal deviendra le quatrième pays européen à légaliser l'euthanasie après la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas.
Dans l'Espagne voisine, le gouvernement socialiste a obtenu la semaine dernière le feu vert de la Chambre des députés pour lancer l'examen d'un projet de loi reconnaissant le droit à l'euthanasie sous strictes conditions. Contrairement à 2018, l'Eglise catholique a cette fois défendu la tenue d'un référendum pour consulter la population dont elle pense qu'une majorité rejetterait l'euthanasie.
Même si l'idée a très peu de chances d'être soutenue par le Parlement, «le référendum est notre seule chance de freiner cette loi», a reconnu José Seabra Duque, catholique pratiquant et membre de la direction de la Fédération portugaise pour la vie. Cette plateforme regroupant une vingtaine d'associations conservatrices a déjà recueilli près des deux tiers des 60.000 signatures nécessaires pour demander aux députés d'examiner une proposition de «référendum d'initiative populaire» sur le sujet.
Dans le plus récent sondage réalisé en la matière, qui remonte à 2017, 46,1% des personnes interrogées se disaient favorables à l'euthanasie, 27,4% contre. Mais une majorité de 44,1% jugeait alors qu'il fallait organiser un référendum, contre 32,7% d'opinions inverses.