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Tout comprendre à la crise en Libye en trois questions

Depuis 2015, le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par l'ONU, et l'autorité rebelle menée par le maréchal Khalifa Haftar se battent pour le contrôle de la Libye. Depuis 2015, le Gouvernement d'union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, reconnu par l'ONU, et l'autorité rebelle menée par le maréchal Khalifa Haftar se battent pour le contrôle de la Libye. [Mahmud TURKIA / AFP]

Derrière la crise en Libye, la crainte que le pays se transforme en «seconde Syrie». C'est pour éviter cela, et pour relancer le processus de paix, qu'est organisé ce dimanche un important sommet international à Berlin, rassemblant les dirigeants des principaux pays impliqués dans le conflit (Turquie, Russie, Etats-Unis, France...). Une guerre civile complexe et peu médiatisée, opposant depuis 2015 deux autorités rivales, qui cherchent chacune à prendre le contrôle de la Libye.

Pourquoi la libye est coupée en deux ?

Après la chute et la mort en 2011 du dictateur Mouammar Kadhafi - qui était au pouvoir depuis plus de quarante ans - consécutive à une révolte populaire, la Libye a plongé dans le chaos. Aucune force n'est par la suite parvenue à prendre le contrôle de l'ensemble du territoire. Depuis 2015, deux autorités rivales se disputent le pouvoir.

D'un côté, le Gouvernement d'union nationale (GNA) du Premier ministre Fayez al-Sarraj, reconnu par l'ONU et basé dans la capitale Tripoli, qui contrôle une petite zone dans l'ouest de la Libye. De l'autre, un Parlement et un gouvernement, dits de Tobrouk (du nom d'une ville portuaire de l'Est de la côte libyenne, où ils sont installés), et leur bras armé, l'Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, qui maîtrisent environ 85 % du territoire.

En avril 2019, les troupes de l'homme fort de l'Est libyen ont lancé une offensive sur Tripoli, pour s'emparer de la capitale, mais font face depuis à une résistance farouche des forces pro-GNA. Le bilan humain de cette opération militaire est lourd : plus de 280 civils et 2.000 combattants tués selon l'ONU, auxquels il faut ajouter quelque 146.000 Libyens qui ont dû fuir les combats. Les tensions se sont calmées dernièrement, après qu'un cessez-le-feu a été signé à Moscou par Fayez al-Sarraj en début de semaine, bien que celui-ci ait été rejeté par Khalifa Haftar.

Qui soutient qui ?

Pour ne rien arranger à la situation déjà chaotique dans le pays, de nombreux pays étrangers sont impliqués dans le conflit. En plus de la reconnaissance de l'ONU et du soutien du Qatar, le GNA de Fayez al-Sarraj vient d'obtenir l'appui militaire de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, qui a reçu début janvier le feu vert de son Parlement pour envoyer des soldats turcs dans le pays. Un Erdogan offensif, qui a menacé mardi 14 janvier «d'infliger une leçon» au maréchal Haftar s'il reprend ses attaques.

Ce dernier est de son côté soutenu par la Russie, même si le Kremlin dément. Moscou est notamment soupçonné d'envoyer des mercenaires russes, appartenant à la société russe de sécurité privée Wagner, aux côtés des forces pro-Haftar. Environ 200 paramilitaires russes seraient ainsi arrivés ces deux derniers mois en Libye, selon le journal américain The New York Times. L'ANL peut également compter sur le soutien de l'Egypte, des Emirats arabes unis et de l'Arabie saoudite.

D'autres Etats ont de leur côté un positionnement ambigu. C'est le cas des Etats-Unis, mais aussi de la France, qui officiellement «soutient les efforts de l'ONU», a indiqué à l'AFP une source diplomatique française, mais est suspectée par ses partenaires européens de soutenir le maréchal Haftar plutôt que Fayez al-Sarraj. La découverte en juillet dernier de quatre missiles antichars français dans une base de l'ANL a mis dans l'embarras Paris, qui s'est défendu en assurant que ces munitions, «endommagées et hors d'usage», étaient «temporairement stockées dans un dépôt en vue de leur destruction» et «n'ont pas été transférées à des forces locales».

Pourquoi tant d'intérêt pour la Libye ?

La présence de tant de pays étrangers dans un conflit interne à un Etat, dont la puissance sur la scène internationale est négligeable, pose question sur les raisons d'un tel intérêt. Les imposantes réserves de pétrole de la Libye - les plus importantes du continent africain - en sont une. En particulier pour la Turquie, qui a signé un accord controversé avec le GNA pour pouvoir exploiter les gisements d'hydrocarbures en Méditerranée orientale.

Au-delà de ces considérations économiques, si Ankara et Moscou s'impliquent autant en Libye, c'est surtout pour des raisons idéologiques et stratégiques. D'un côté, la Turquie veut contrecarrer l'influence dans le pays des Emirats arabes unis et de l'Egypte, hostiles aux courants islamistes proches d'Ankara. «Le pays [la Libye, NDLR] est tellement petit démographiquement, tellement riche et bien situé géographiquement que toute idéologie qui réussirait si la paix surgit fournira un modèle pour le reste de la région», explique à France 24 Jalel Harchaoui, chercheur au Clingendael Institute de La Haye (Pays-Bas). La Russie est de son côté plutôt dans une confrontation avec l'Occident. Selon Jalel Harchaoui, cité par l'AFP, une présence en Libye fournit en effet aux Russes un moyen peu coûteux, voire même lucratif, de contrer l'Otan et fragiliser l'Union européenne. Aux yeux de la Russie, «la Libye incarne l’échec occidental» et elle «souhaite démontrer qu'elle peut réussir là où l'Europe a failli».

Un Vieux Continent qui craint que la Libye ne se transforme en «seconde Syrie», en raison de l'internationalisation accrue du conflit, qui réunit aujourd'hui une quizaine d'acteurs - onze dirigeants et quatre organisations internationales sont conviés au sommet de Berlin. Les Européens redoutent notamment une résurgence de la menace jihadiste dans la région si la situation demeure tumultueuse. Un risque souligné samedi par Recep Tayyip Erdogan pour justifier son soutien au GNA. «L'Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen. (...) Les organisations terroristes comme Daesh et Al-Qaïda, qui ont subi une défaite militaire en Syrie et en Irak, trouveront un terrain fertile pour reprendre pied», a écrit le président turc sur le site internet Politico.

L'instabilité en Libye fait également craindre à l'UE un afflux de réfugiés sur le continent, le pays d'Afrique du Nord étant l'une des principales portes d'entrées vers l'Europe pour les migrants. Rien d'étonnant à ce que ce soit l'Allemagne qui ait été à l'initiative du sommet international sur la Libye de dimanche, Berlin étant l'un des pays européens qui reçoit le plus de réfugiés.

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