Un tribunal soudanais a condamné lundi à la peine capitale 27 membres des services de renseignements, reconnus coupables d'avoir torturé à mort un manifestant au début de l'année.
Il s'agit des premières condamnations à la peine capitale de membres des forces soudanaises pour la mort de manifestants, un peu plus d'un an après le début d'une révolte inédite contre le régime.
Au moins 177 personnes ont été tuées dans la répression du mouvement, selon Amnesty International. Un comité de médecins proches des manifestants évalue le bilan à plus de 250 victimes.
Le redouté Service national de renseignement et de sécurité soudanais (NISS) avait joué un rôle clé dans la répression, et en juillet, les militaires au pouvoir l'avaient rebaptisé Service des renseignements généraux.
Des dizaines de manifestants s'étaient rassemblés lundi devant un tribunal d'Omdourman, ville voisine de Khartoum, où avait lieu le procès des 27 membres de ce service.
Ils brandissaient des portraits de la victime, Ahmed al-Kheir, un enseignant originaire de l'Etat de Kassala, dans l'est du pays.
«Châtiment juste»
«Le sang du martyr n'aura pas été versé en vain», «Vive la justice», «Châtiment juste», ont-ils scandé après l'annonce du verdict. Certains des manifestants étaient venus par bus de Kassala, à 800 km de la capitale, pour assister à l'audience.
«Nous sommes venus pour soutenir la famille de notre collègue», a déclaré Ahmed Hassan à l'AFP.
Lors de l'audience, lorsque le juge Sadok Albdelrahmane a demandé au frère de la victime, Saad al-Kheir, s'il était prêt à pardonner aux 27 accusés, ce dernier a éclaté en sanglots avant de répondre : «Je demande la peine de mort».
Ahmed al-Kheir avait été arrêté le 31 janvier dans une localité de l'Etat de Kassala puis conduit dans les locaux du service des renseignements généraux, a indiqué le juge.
Vingt-sept membres appartenant à ce service ont été reconnus coupables de l'avoir torturé à mort, selon lui. «Les coups reçus ont conduit à sa mort», a-t-il précisé.
La mort de la victime, accusée d'avoir participé à l'organisation de manifestations antigouvernementales, avait été annoncée le 2 février.
Onze membres du même service de renseignement ont été condamnés à des peines allant de trois à cinq ans de prison dans cette affaire. La défense dispose de deux semaines pour faire appel.
Le 19 décembre 2018, des centaines de Soudanais avaient commencé à manifester dans plusieurs villes du pays après la décision gouvernementale de tripler le prix du pain en pleine crise économique.
Ce mouvement s'est transformé en une révolte qui a abouti le 11 avril à la destitution par l'armée du président Omar el-Béchir, après 30 ans de pouvoir sans partage.
Depuis la conclusion en août d'un accord entre les militaires qui avaient succédé à M. Béchir et les dirigeants de la contestation, le pays est dirigé par un gouvernement de transition, avec un Premier ministre civil et un Conseil souverain composé de civils et de militaires.
Les nouvelles autorités ont multiplié les mesures visant à démanteler l'ancien régime et répondre aux aspirations de la contestation.
En septembre, le Premier ministre Abdallah Hamdok avait formé un comité chargé d'enquêter sur la répression d'un sit-in le 3 juin devant le QG de l'armée à Khartoum, épisode le plus sanglant de la révolte.
Lors du premier anniversaire de la révolte, des milliers de Soudanais avaient manifesté à Khartoum et dans d'autres villes du pays pour réclamer justice aux «martyrs de la révolution».
M. Béchir, détenu depuis avril à Khartoum, a lui été condamné le 14 décembre à une peine de deux ans en institution pénitentiaire pour «corruption».
L'ex-dictateur reste par ailleurs la cible de graves accusations de la part de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes lors du conflit sanglant au Darfour (ouest) à partir de 2003.