Kiev et les séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine ont échangé 200 prisonniers, la première opération du type depuis 2017 qui marque une désescalade dans le seul conflit actif d'Europe. Valdimir Poutine et Angela Merkel ont salué cette opération.
Le président russe et la chancelière allemande ont jugé «positif l'échange de détenus qui a eu lieu aujourd'hui dans la région de Donetsk», indique un communiqué transmis ce dimanche par la présidence russe.
L'échange, voulu avant le Nouvel an par le président ukranien Volodymyr Zelensky, a néanmoins suscité une controverse en Ukraine, Kiev ayant accepté, selon les médias locaux, la libération de personnes sans lien direct avec la guerre dans l'est ukrainien.
«Les libérations réciproques sont terminées», a indiqué vers 16H00 locales (14H00 GMT) la présidence ukrainienne sur Facebook, précisant voir revenir au pays 76 personnes.
Les séparatistes des républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk ont dit pour leur part aux agences russes s'être vues respectivement remettre 61 et 63 personnes, parmi lesquels des ressortissants russes et un Brezilien ayant combattu dans les rangs rebelles.
Aucune liste précise identifiant les personnes libérées n'a été publiée, la présidence ukrainienne promettant des «détails plus tard».
Le dirigeant des rebelles de Lougansk, Leonid Passetchnik a lui revendiqué «une nouvelle victoire» sur Twitter.
Descendant du bus, les derniers prisonniers relâchés par les combattants prorusses ont scandé "Gloire à l'Ukraine», tandis que des officiels et militaires les accueillant leur répondaient «A votre retour !», selon les journalistes de l'AFP présents sur les lieux.
L'opération avait commencé en fin de matinée sous un ciel gris aux abords du point de contrôle de Maïorské dans la partie de la région de Donetsk contrôlée par Kiev, non loin de la ligne de front.
Elle aura duré environ cinq heures du fait des vérifications d'identité. Des soldats ukrainiens et de combattants séparatistes armés étaient déployés aux alentours. Des ambulances, la Croix-Rouge ainsi que des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe étaient présents également.
En début d'après-midi, les premiers prisonniers, en majorité des hommes mais aussi quelques femmes, étaient descendus les traits tirés de leurs bus respectifs sous les yeux de la presse. La plupart portait de gros sacs contenant leurs effets.
«Je suis ravie, c'est le jour qu'on attendait depuis longtemps!», a déclaré Viktoria, une Ukrainienne de 24 ans aux cheveux longs, précisant avoir passé trois ans en détention après sa condamnation par les séparatistes pour «haute trahison».
«J'ai encore du mal à réaliser», se réjouit un compagnon de détention de 36 ans, Volodymyr Danyltchenko.
Indignation en Ukraine
Une autre femme relâchée par les séparatistes avait décoré son pull blanc du trident national et des mots «Mon Etat est l'Ukraine».
Selon la presse ukrainienne, les forces prorusses ont libéré principalement des militaires mais aussi quelques activistes.
Stanislav Aseïev, journaliste du service ukrainien de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), financée par les Etats-Unis, et détenu depuis l'été 2017, selon son employeur.
Outre des combattants, Kiev a libéré trois hommes ayant commis un attentat meurtrier à Kharkiv en février 2015, exposant le gouvernement à des critiques.
L'échange a aussi suscité une controverse, car les autorités ukrainiennes ont accepté de libérer d'ex-policiers détenus pour leur implication présumée dans la répression sanglante des manifestations proeuropéennes du Maïdan, en 2014.
Ce soulèvement, qui a fait une centaine de morts, a eu lieu avant même le début de la guerre dans l'est de l'Ukraine.
Furieux, Volodymyr Golodniouk, père d'une des victimes, a dénoncé sur Facebook une «humiliation»
«Cette décision nous éloigne de l'essentiel, de la justice», a martelé, également sur Facebook, le cinéaste Oleg Sentsov, prisonnier libéré par Moscou récemment.
Détente avec Moscou
Le principe de l'échange avant la fin de l'année avait été acté et réclamé par M. Zelensky le 9 décembre à Paris, où se tenait le premier sommet de paix sur l'Ukraine depuis 2016.
Depuis l'élection de M. Zelensky en avril, une certaine détente se fait sentir avec le Kremlin.
En septembre, Kiev et Moscou ont ainsi échangé 70 détenus, dont M. Sentsov.
Les troupes des deux camps ont également reculé dans trois petits secteurs du front et d'autres retraits doivent avoir lieu d'ici fin mars. La Russie a aussi rendu à Kiev des navires de guerre qu'elle avait saisis.
Cette guerre a fait plus de 13.000 morts depuis qu'elle a éclaté en avril 2014, quelques semaines après l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie qui avait elle-même suivi le soulèvement du Maïdan. L'Occident et l'Ukraine accusent Moscou de soutenir militairement les séparatistes, ce que la Russie nie farouchement.