La Française Christine Lagarde prendra ce vendredi 1er novembre ses fonctions à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), où elle succédera à l'Italien Mario Draghi. Les chantiers qui attendent l'ex-directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) sont conséquents.
Stimuler la croissance
Christine Lagarde prend la tête de l'institution monétaire européenne dans un contexte économique difficile pour la zone euro. La croissance est en effet en pleine décélération. Elle n'était que de 0,2 % au deuxième trimestre, contre 0,4 % au premier trimestre. Le FMI a également abaissé mi-octobre sa prévision de croissance pour la zone euro à 1,2 % en 2019, et 1,4 % en 2020. En cause notamment, l'incertitude entourant le Brexit ou encore les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, ainsi qu'entre Washington et l'UE.
Christine Lagarde aura donc la lourde tâche de stimuler la croissance et de combattre le risque de récession, alors même que la BCE utilise déjà tous les outils monétaires à sa disposition, notamment la baisse des taux d'intérêts et le rachat de dette. «Le problème pour Christine Lagarde est que le placard des mesures de soutien (à l'économie) est désormais presque vide», relève James Bentley, directeur de Financial Markets Online. «Si la conjoncture continue de faiblir en zone euro, elle aura de moins en moins d'outils pour la redresser», avertit l'analyste.
L'ex-ministre de l'Economie sous Nicolas Sarkozy devra donc notamment convaincre les pays disposant de larges réserves budgétaires – au premier rang desquels figure l'Allemagne – de les consacrer au soutien de l'activité. D'autres outils monétaires non conventionnels devront sinon être déployés, comme la «monnaie hélicoptère», consistant pour la BCE à injecter directement de l'argent sur les comptes en banque des consommateurs européens. Un mécanisme qui est toutefois encore jugé tabou.
rebâtir l'unité de la BCE
En plus de la situation économique fragile, Mario Draghi laisse à Christine Lagarde une BCE extrêmement divisée. Et ce, à cause des dernières décisions prises par l'Italien mi-septembre. Face au ralentissement de l'activité et à la faiblesse de l'inflation, «Super Mario» a sorti le grand jeu, en relançant notamment le programme de rachats de dette sur le marché. Une mesure controversée, qui a mis le feu aux poudres.
Le gouverneur de la Banque centrale néerlandaise, Klaas Knot, a jugé «disproportionné» le dispositif adopté, et le président de la Bundesbank allemande, Jens Weidmann, a estimé que la BCE avait «dépassé les bornes» en décidant de reprendre les rachats d'actifs. Un programme baptisé «quantitative easing» (QE) et lancé initialement en 2015 pour répondre à la crise de la dette dans la zone euro. Une dirigeante allemande de la BCE, Sabine Lautenschläger, a même claqué la porte de l'institut, deux ans avant la fin de son mandat.
La mission pour Christine Lagarde est maintenant de recoller les morceaux. «Je cherche toujours quelle est la base commune pour rapprocher les divers points de vue», a déclaré la Française dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel samedi.
terminer la construction de l'union bancaire
En 2014, en réaction à la crise financière mondiale de 2008, l'UE avait décidé de mettre en place une union bancaire. Concrètement, il s'agit d'un système de surveillance des plus gros établissements bancaires de l’Union, chargé d’assurer la stabilité du secteur au sein de la zone euro et dans lequel la BCE joue un rôle important.
Sauf que la construction de cette union bancaire n'est toujours pas achevée. Comme son prédécesseur, Christine Lagarde devra donc tenter de convaincre les gouvernements récalcitrants – en particulier l'Allemagne – de parachever ce système de protection, indispensable pour résister à une nouvelle crise financière.
La future présidente de la BCE avait déjà lancé un avertissement en mars dernier, alors qu'elle était encore au FMI, en déclarant que la zone euro n'était «pas assez résiliente» pour affronter une prochaine crise. Elle avait alors exhorté ses membres à «achever l'union bancaire et celle des marchés des capitaux, pour en récolter les fruits dès aujourd'hui».