Alberto Fernandez, qui a remporté dimanche la présidentielle en Argentine, est un péroniste de centre-gauche, connu pour sa discrétion et sa modération, tout le contraire de sa vice-présidente, la volcanique Cristina Kirchner.
Alberto Fernandez a remporté l'élection présidentielle dès le premier tour face au président sortant, le libéral Mauricio Macri, qui briguait un second mandat. Alberto Fernandez a bénéficié de la réunification de l'opposition péroniste pour empêcher la réélection de M. Macri. L'ex-présidente Kirchner, 66 ans, consciente des passions qu'elle provoque, avait en effet préféré céder la place à son ancien directeur de cabinet.
La sénatrice de centre-gauche depuis 2017 et deux fois présidente entre 2007 et 2015 se contente en effet de la vice-présidence, après avoir elle-même lancé la candidature de M. Fernandez. Propulsé sur le devant de la scène, cet avocat de 60 ans avait écrasé les autres candidats lors des primaires d'août -- sorte de répétition générale du scrutin présidentiel -- en obtenant 48% des voix, loin devant M. Macri.
Un résultat surprenant pour celui qui n'avait eu auparavant qu'une seule occasion de se frotter aux urnes: en 2000, lors des législatives à Buenos Aires. Le poulain de l'ancienne cheffe d'Etat a toutefois montré qu'il pouvait prendre ses distances, comme lors de la première année de mandat de Mme Kirchner, lorsqu'il avait multiplié les déclarations blessantes en plein affrontement entre l'ex-présidente, les propriétaires terriens et les grands médias. Il avait finalement démissionné.
Un épisode désormais perçu comme une preuve d'indépendance pour ceux qui le voyaient comme une marionnette de Cristina Kirchner. «Fernandez a tenu bon face à Cristina Kirchner en 2008 (...) Elle n'a pas pu le contrôler, elle pourra encore moins à présent», à son poste de vice-présidente, estimait à quelques jours du scrutin le politologue Raul Aragon. La veuve de l'ancien président Nestor Kirchner (2003-2007), disparu en 2010, avec qui elle formait un couple inséparable à la ville comme sur la scène politique, est une farouche rivale de M. Macri, allant jusqu'à refuser de participer à sa cérémonie d'investiture.
«Libéral, progressiste, péroniste»
Le député Daniel Filmus, qui fut ministre de l'Education de Nestor Kirchner, décrit Alberto Fernandez comme une personne avec qui on peut «discuter, échanger sur de nombreux sujets». Un homme qui «en différentes circonstances a prouvé qu'il pouvait travailler en osmose avec des acteurs aux profils variés, aux idées très différentes pour donner lieu à des politiques à moyen et long terme», estime-t-il.
Ses détracteurs, en revanche, le perçoivent comme un caméléon, qui fréquente aussi bien les secteurs ultra-libéraux que les populistes de gauche comme les Kirchner. Alberto Fernandez, lui, se dit «libéral de gauche, libéral progressiste».
«Je crois aux libertés individuelles et je crois à l'Etat qui doit être présent lorsque le marché l'exige. Je suis un péroniste. Je fais pousser la branche du libéralisme progressiste péroniste», affirme-t-il. Il a rendu visite dernièrement à divers responsables de la gauche latino-américaine: le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva dans sa prison, l'Uruguayen José «Pepe» Mujica et le Bolivien Evo Morales.
Dans la dernière ligne droite de la campagne, il s'est aussi efforcé de rassurer les marchés, inquiets de la profonde crise économique que traverse le pays et des mesures qu'il pourrait prendre à la tête du pays.
Critique envers le FMI, qui a octroyé un prêt de 57 milliards de dollars à l'Argentine, il veut désormais tranquilliser les Argentins: «Nous allons veiller sur votre épargne, nous allons prendre soin de vos dépôts en dollars à la banque. Vous n'avez aucune raison d'être nerveux».
Parmi ses déclarations les plus polémiques, il a remis en question les poursuites judiciaires à l'encontre de Cristina Kirchner, visée par plusieurs enquêtes pour corruption, estimant que «la justice ne fonctionnait pas bien».
Alberto Fernandez a également créé la controverse avec ses déclarations sur le Venezuela, un pays selon lui qui n'est pas une dictature mais un «gouvernement autoritaire».
Professeur de droit depuis 30 ans à l'université de Buenos Aires, Alberto Fernandez est très discret sur sa vie privée. Il a un fils unique de 24 ans.