Depuis sa création, en 1901, le prix Nobel de la paix a vu passer des milliers de candidats, certains plus improbables que d'autres. Hitler, Mussolini et Michael Jackson font partie de cette catégorie.
En janvier 1939, le député social-démocrate suédois Erik Brandt suggère au comité Nobel norvégien d'attribuer le prix à Adolf Hitler. Dithyrambique en apparence, l'élu vante notamment son «amour ardent pour la paix» alors que l'Allemagne nazie vient d'annexer l'Autriche et d'envahir les Sudètes. Sa lettre fait d'énormes vagues en Suède, où beaucoup ne saisissent pas son côté sarcastique. Brandt expliquera par la suite avoir voulu protester contre la nomination du Premier ministre britannique Neville Chamberlain, artisan des accords de Munich de 1938 par lesquels la Tchécoslovaquie est en partie cédée aux Allemands. La proposition sera finalement retirée, mais le dictateur nazi demeure dans le registre des candidats au Nobel.
Une histoire qui illustre la facilité avec laquelle une personne ou une organisation, quels que soient ses mérites, peut entrer en lice pour l'une des récompenses les plus prestigieuses au monde. Le comité Nobel accepte en effet toutes les propositions. Seules conditions : qu'elles soient envoyées avant la date limite du 31 janvier et qu'elles émanent d'un des milliers d'individus habilités à le faire (parlementaires et ministres de tous les pays, anciens lauréats, certains professeurs d'université, membres actuels et passés du comité Nobel...). «Il y a tellement de personnes qui ont le droit de proposer une candidature que ce n'est pas bien compliqué d'être nominé», explique l'influent secrétaire du comité, Olav Njølstad.
Hitler n'est pas le seul dirigeant autoritaire à avoir été proposé pour le prix Nobel de la paix. En 1935, le nom de Benito Mussolini est soumis, sérieusement cette fois, par des universitaires allemands et français, quelques mois avant que l'Italie n'envahisse l'Ethiopie. Joseph Staline, l'un des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale avec l'URSS, a également vu son nom être proposé à deux reprises, en 1945 et 1948.
Michael Jackson, de la pop au Nobel
Mais il est important de noter qu'une fois les nominations reçues, seule une poignée d'entre elles est retenue dans une «shortlist» vouée à être passée au crible du comité et de ses conseillers. «Ni Hitler ni Staline ni Mussolini n'ont été sérieusement examinés pour le prix de la paix», souligne l'historien Geir Lundestad, ancien secrétaire du comité. «Ce qui me surprend le plus, c'est que de nombreux dictateurs à travers le monde se sont abstenus de se faire nominer.»
Il n'y a pas que des dictateurs parmi les candidats les plus étonnants. Par exemple, le roi de la pop Michael Jackson, accusé de pédophilie après sa mort en 2009, s'est retrouvé dans la course pour le Nobel en 1998. «Les parlementaires roumains qui ont proposé Michael Jackson jugeaient cette nomination tout à fait sérieuse, mais celle-ci non plus n'a pas été étudiée par le comité», confie Geir Lundestad.
Parfois, une candidature n'apparaît pas insolite sur le moment, mais le devient plus tard à la lumière d'éléments nouveaux. C'est le cas par exemple de celle de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic, proposée en 2000, soit deux ans avant que celui-ci soit jugé pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
De Poutine à Trump en passant par Kim
En 2001, la Fédération internationale de football (Fifa) est proposée. Le ballon rond a «permis d'établir de bonnes relations entre les peuples», fait valoir le député suédois à l'origine de cette candidature. Un argument recevable, mais qui ne pèse pas bien lourd par rapport au vaste scandale de corruption qui emporte l'institution en 2015 et fait tomber son président historique Sepp Blatter, ainsi que le président de l'UEFA Michel Platini.
Plus récemment, des personnalités politiques plutôt controversées ont été en lice pour le prix Nobel de la paix. On peut citer par exemple le président russe Vladimir Poutine, pas vraiment connu pour son goût de la démocratie, dont le nom est proposé tous les ans par un député de son camp. Donald Trump est de son côté candidat cette année, des élus républicains ayant envoyé une lettre au comité Nobel en mai 2018 en ce sens, malgré les affaires qui le concernent, ses multiples propos polémiques ou encore son attitude agressive sur les plans diplomatique et économique. Le dictateur nord-coréen Kim Jong-un a carrément fait partie des favoris des bookmakers l'an dernier, malgré ses violations des droits de l’Homme, et ce grâce à ses efforts pour se rapprocher de son voisin du Sud.
En France, l'ancien président Jacques Chirac a été proposé en 2017 pour le Nobel de la paix par Jean-Pierre Raffarin, son ancien Premier ministre de 2002 à 2005, et son ancien ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie Thierry Breton. Une initiative appuyée par 280 parlementaires, issus essentiellement des Républicains. Ceux-ci mettaient en avant son opposition à la guerre en Irak en 2003, tout en passant sous silence ses ennuis judiciaires, Jacques Chirac ayant notamment été le premier président à être condamné par la justice. C'était en 2011, dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris.