Comme ils l'avaient annoncé, les Turcs ont lancé mercredi 9 octobre leur offensive dans le nord-est de la Syrie. Une opération militaire qui vise les Kurdes, et plus particulièrement la milice des Unités de protection du peuple (YPG), qui a pris le contrôle de la zone en 2016 à la faveur du conflit dans le pays.
Ce groupe est pourtant soutenu par les pays occidentaux, car ses combattants ont grandement participé à la défaite militaire récente de Daesh en Syrie et en Irak, au sein de l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS). Mais, pour Ankara, il s'agit d'une organisation «terroriste», en raison de ses liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion armée sur le sol turc depuis 1984. Le leader du PKK, Abdullah Öcalan, est d'ailleurs emprisonné en Turquie depuis vingt ans.
Pour le président turc Recep Tayyip Erdogan, l'objectif de cette offensive est de créer une «zone de sécurité» à la frontière syro-turque côté syrien, d'une profondeur de 30 km, qui serait une sorte de zone tampon destinée à éloigner les YPG du territoire turc. Elle a également pour vocation d'accueillir une partie des 3,6 millions de migrants syriens actuellement réfugiés en Turquie. Claire Cemile Renkliçay, dirigeante du Conseil démocratique kurde de France, va plus loin, déclarant sur Franceinfo que «le but, c’est d'éradiquer la population kurde». «Si la sécurisation des frontières est le seul but de la Turquie, le pays aurait pu faire appel au Conseil de sécurité des Nations Unies ou à l'OTAN», ajoute-t-elle.
Des Kurdes également réprimés à l'intérieur de la Turquie
La grande peur d'Ankara est que se forme durablement une entité kurde autonome en Syrie, qui menacerait l'unité de la Turquie, dont les Kurdes sont la minorité la plus importante (entre 15 et 17 millions de personnes). Les Turcs ne veulent pas voir se reproduire ce qu'il s'est passé en Irak, où une région kurde autonome, le Kurdistan irakien, a été créée dans les années 2000 dans le nord du pays, à la faveur de la guerre du Golfe.
Ce combat contre les Kurdes de Syrie n'est pas nouveau, la précédente offensive des Turcs dans le pays, en janvier 2018, visait déjà les YPG, mais dans la région d'Afrine (nord-ouest), l'un des trois cantons de la région «fédérale» kurde autoproclamée en 2016. La lutte contre ce peuple, qui n'a jamais obtenu de territoire propre et dont la population habite une zone située entre la Turquie, la Syrie, l’Irak, l’Iran et l’Arménie, se passe également à l'intérieur de la Turquie.
Depuis 2015 et l'arrêt des négociations de paix entre le PKK et l'Etat turc, le parti de gauche kurde démocrate HDP - proche du PKK - subit la répression des autorités. Son ancien coprésident et toujours leader, Selahattin Demirtas, est en prison, tout comme près de 7.000 membres du parti. Nouvelle illustration de ce climat délétère pour les Kurdes de Turquie en août : trois maires issus du HDP ont été démis de leurs fonctions, accusés d'activités «terroristes».