Jamais sans doute la constitution d'une équipe dirigeante de l'UE n'a été aussi compliquée. A cause de différentes affaires judiciaires, deux candidats à des postes de commissaire européen ont déjà été écartés, tandis que d'autres sont sur la sellette, tout comme le futur chef de la diplomatie européenne.
Avant même leur grand oral devant les eurodéputés, chargés de confirmer la nomination des commissaires européens, les candidats roumain (Rovana Plumb, chargée des Transports) et hongrois (Laszlo Trocsanyi, en charge du Voisinage et de l'Elargissement) ont été jugés «inaptes» par la commission des Affaires juridiques du Parlement européen, lundi 30 septembre. En cause, des conflits d'intérêts présumés.
La sociale-démocrate Rovana Plumb a été récusée pour deux prêts jugés litigieux. Quant à Laszlo Trocsanyi, membre du PPE (centre droit) et ex-ministre de la Justice en Hongrie, il aurait gardé des liens avec son ancien cabinet d'avocats, qu'il a fondé en 1991, alors même qu'il était garde des Sceaux sous le gouvernement de Viktor Orban.
La Roumanie et la Hongrie ont depuis chacune proposé un nouveau candidat, mais ces deux rejets pourraient en amener d'autres, plusieurs autres commissaires européens désignés n'étant pas irréprochables. C'est le cas notamment de la Française Sylvie Goulard, qui brigue le portefeuille du Marché intérieur.
Inquiétude autour de Sylvie Goulard
Celle qui a été désignée par Emmanuel Macron est sous le coup de deux enquêtes - l'une de la justice française, l'autre de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) -, dans l'affaire des emplois présumés fictifs des eurodéputés MoDem. Une affaire qui l'avait poussée à démissionner du gouvernement en juin 2017, un mois seulement après sa nomination.
L'ex-conseillère de Romano Prodi, lorsqu'il était président de la Commission de 2001 à 2004, a déjà accepté de rembourser au Parlement européen 45.000 euros, correspondant à huit mois de salaire d'un de ses assistants, «un aveu» selon ses détracteurs. Les élus européens, qui l'ont auditionnée cet après-midi, l'ont également interrogée sur son travail de «consultante», à plus de 10.000 euros brut par mois, pour un think tank américain, l'institut Berggruen, d'octobre 2013 à janvier 2016, alors même qu'elle était eurodéputée.
Mais la Française de 54 ans n'est pas la seule commissaire à avoir des sueurs froides. Selon Libération, l'origine de la fortune de 5 millions d'euros de la Croate Dubravka Suica, choisie pour devenir commissaire à la Démocratie et à la Démographie, serait inconnue, et les explications de l'ancienne maire de Dubrovnik ne tiendraient pas debout, selon le journal en ligne EUObserver. Elle sera entendue par les députés européens ce jeudi 3 octobre.
Un intitulé de poste qui fait débat
La candidature de l'Espagnol Josep Borrell, désigné par les dirigeants des Vingt-Sept Etats de l'UE en juillet pour prendre la tête de la diplomatie européenne, pourrait elle aussi potentiellement être retoquée. En cause, une condamnation à 30.000 euros d'amende l'an dernier pour délit d'initié. En 2015, le Catalan avait vendu des actions d'une société dont il était membre du conseil d'administration peu avant qu'elle s'annonce au bord du dépôt de bilan. Une affaire qui devrait lui valoir des questions gênantes des eurodéputés lors de son audition ce lundi 7 octobre.
Au-delà des affaires judiciaires, une autre polémique pollue la constitution de la nouvelle équipe d'Ursula von der Leyen, qui prendra ses fonctions de présidente de la Commission européenne le 1er novembre. Il s'agit de l'intitulé du poste attribué au Grec Margaritis Schinas. En charge notamment des questions migratoires, il s'est vu confier par Ursula von der Leyen le portefeuille de commissaire à la «Protection de notre mode de vie européen». L'opposition au PPE, le parti européen d'Ursula von der Leyen, a dénoncé une rhétorique dangereuse et populiste, faisant le jeu de l'extrême droite en raison de sa connotation anti-immigration.
Les débuts à Bruxelles de la future cheffe de l'exécutif européen - qui remplacera Jean-Claude Juncker à ce poste - sont décidément difficiles. Choisie par les 27 dirigeants des pays de l'UE début juillet, elle avait failli ne pas être confirmée par les députés européens mi-juillet. L'Allemande de 60 ans n'avait en effet obtenu que 383 voix en sa faveur (327 contre, 22 abstentions, 1 nul), alors qu'elle devait en recueillir au minimum 374. Soit le score le plus bas jamais obtenu par un président de la Commission européenne dans ce type de vote.