71, 77 et 79. Voilà l'âge qu'auront les trois favoris démocrates, respectivement Elizabeth Warren, Joe Biden et Bernie Sanders, lors de l'élection présidentielle organisée en novembre 2020. Un constat qui ne s'améliore pas avec l'entrée en course de Michael Bloomberg, 76 ans, ce 24 novembre. Quel que soit le vainqueur, il affrontera un Donald Trump âgé de 74 ans.
Pourtant, loin de se laisser bercer par la tentation du jeunisme comme dans le reste du monde, les personnes âgées ont plus que jamais la côte aux États-Unis. Et ces personnalités politiques ne sont pas favorites faute de jeunes. Kamala Harris (54 ans), Beto O'Rourke (47 ans) ou Pete Buttigieg (37 ans), ont tous des images de jeunes et dynamiques candidats. Ils proposent également des profils atypiques qui auraient pu plaire à l'électorat démocrate, comme ce fut le cas avec Barack Obama en 2008, élu à tout juste 47 ans. Pourtant, ils ne décollent pas dans les sondages. Au 3 novembre, le mieux classé des «jeunes» est Pete Buttigieg avec seulement 6% des intentions de vote.
La tendance est d'autant plus surprenante que lors des Midterms, en 2018, le Congrès a vu arriver dans ses rangs 23 élus de moins de 40 ans, un record. Alors que les démocrates ont une habitude historique d'élire des candidats jeunes (John Kennedy, Bill Clinton ou Barack Obama), Joe Biden et Bernie Sanders battraient un record en cas de victoire : ils deviendraient les premiers présidents à dépasser les 80 ans à la fin de leur premier mandat.
Les jeunes plébiscitent les anciens
Il serait facile de reprendre les poncifs du monde politique pour expliquer cette tendance, notamment celui qui voudrait que les jeunes ne s'intéressent plus à la politique, et que les personnes âgées votent pour les personnes âgées. Si l'on en croit les chiffres et les projections, cela n'a jamais été aussi faux. Selon un sondage YouGov et The Economist publié fin octobre, Bernie Sanders et Elizabeth Warren sont très largement les premiers choix chez les votants de moins de 29 ans. Ces derniers choisiraient à à 30% la sénatrice et 18% l'ancien rival d'Hillary Clinton. Ce dernier a cependant perdu près de 10% dans cette catégorie d'âge après son hospitalisation pour un problème cardiaque début octobre. Joe Biden, troisième de ce sondage, est bloqué à 8%. Le tout alors que pour la première fois de l'histoire, les moins de 40 seront aussi nombreux que les plus de 55 ans dans la masse électorale.
«Je crois que les jeunes électeurs regardent avant tout l'idéologie, plus que la personne en elle-même», explique André Kaspi, histoirien et spécialiste des États-Unis. Pour lui, les idées très à gauche que représentent Elizabeth Warren ou Bernie Sanders comme la défense des minorités ou la réduction des inégalités, plaisent à cet électorat. Un constat partagé par Jean-Eric Branaa, politologue, qui ajoute que le problème des candidats les moins vieux est qu'ils n'ont pas eu le temps de se construire une notoriété. «Pendant deux ans et demi, la préoccupation du parti démocrate était de s'attaquer à Trump, pas de faire monter de nouveaux candidats. Résultat, ce sont les anciens comme Pelosi, Sanders et Warren qui se partageaient les plateaux télévisés», assure l'expert.
Touche pas à mes vieux
Au niveau de la santé, l'âge, contrairement à ce que l'on pourrait penser, est loin d'être rédhibitoire. Il n'y a qu'à voir la vigueur des candidats lors des différents meetings. Si les années de Joe Biden et Bernie Sanders se lisent dans leurs rides et dans une voix moins assurée que par le passé, ils n'ont jamais déçu lorsqu'il s'agissait de se défendre dans les différents débats. «Pour l'instant, la fougue permet de donner le change», selon Jean-Eric Branaa. Elizabeth Warren, de son côté, est beaucoup plus en forme que ses deux autres homologues. Sa première vie d'universitaire lui ayant potentiellement épargné la fatigue éprouvante qui vient avec l'exercice du pouvoir.
Et surtout, pas question que les jeunes loups ne s'attaquent aux aînés sur le sujet de leur vieillesse. Lorsque Julian Castro, candidat démocrate de 44 ans, a mis en cause la santé mentale de Joe Biden dans un débat, c'est lui qui s'est retrouvé en difficulté. L'attaque personnelle n'a pas été bien vécue par les démocrates, qui l'ont tous critiqué. «Cela ressemblait à quelque chose que Trump aurait pu tweeter», a déclaré Amy Klobuchar, sénatrice du Minnesota. «Dans la politique actuelle, surtout chez les démocrates, il n'est plus possible d'attaquer la personne pour ce qu'elle est. Qu'elle soit vieille ou jeune, noire ou blanche», raconte Jean-Eric Branaa.
Et puis, comme le soulignent de nombreux experts, l'on vieillit de mieux en mieux au fil des années. Sans problème de santé surprise, comme c'est le cas avec Bernie Sanders le 2 octobre dernier, rien ne devrait donc empêcher ces candidats, très surveillés médicalement, d'aller au bout de la campagne.