Donald Trump a annoncé samedi soir à la surprise générale qu'il mettait fin aux «négociations de paix» engagées depuis un an avec les talibans, qui semblaient pourtant sur le point d'aboutir à un accord historique après dix-huit ans de conflit en Afghanistan.
Le président des Etats-Unis a aussi dévoilé qu'il devait initialement rencontrer ce dimanche à Camp David, «séparément» et dans le plus grand «secret», son homologue afghan Ashraf Ghani mais aussi «les principaux dirigeants des talibans».
Cela aurait été une rencontre sans précédent, à quelques jours qui plus est du 18e anniversaire des attentats du 11 septembre 2011 qui avaient provoqué l'intervention militaire américaine en Afghanistan pour chasser du pouvoir les talibans, accusés de donner refuge à Al-Qaïda. Le seul fait qu'un tel face-à-face ait été envisagé confirme en tout cas la préférence de Donald Trump pour la diplomatie au sommet.
«Ils étaient en route pour les Etats-Unis ce soir» mais «j'ai immédiatement annulé la réunion», a-t-il précisé sur Twitter.
«Malheureusement, pour tenter à mauvais escient d'accroître la pression», les talibans «ont reconnu un attentat à Kaboul qui a tué un de nos grands grands soldats et onze autres personnes», a-t-il souligné pour justifier sa décision spectaculaire de «mettre fin aux négociations de paix».
Cet attentat survenu jeudi était le deuxième en quelques jours dans la capitale afghane revendiqué par les insurgés malgré «l'accord de principe» que le négociateur américain Zalmay Khalilzad affirmait avoir conclu avec eux lors des pourparlers de Doha. L'émissaire des Etats-Unis était justement allé présenter ce texte en début de semaine au président Ghani à Kaboul.
«Position de faiblesse»
«Qui sont ces gens qui tuent autant de monde pour soi-disant faire monter les enchères? Ils ont échoué, ils n'ont fait qu'aggraver leur position!», a encore lancé Donald Trump sur Twitter.
«S'ils sont incapables d'accepter un cessez-le-feu durant ces discussions de paix très importantes, et sont en revanche capables de tuer douze innocents, alors ils n'ont probablement pas les moyens de négocier un accord significatif. Pendant combien de décennies encore veulent-ils combattre?», a conclu le milliardaire républicain.
«Plus longtemps que les Etats-Unis», lui a répondu Laurel Miller, responsable de la diplomatie américaine pour l'Afghanistan et le Pakistan entre 2013 et 2017 et aujourd'hui directrice Asie de l'organisation de prévention des conflits International Crisis Group.
Selon elle, le projet de rencontre secrète avec les dirigeants des talibans «est une grosse surprise». «Pourquoi l'annuler en raison d'une attaque meurtrière à Kaboul jeudi alors que les talibans ont multiplié les attentats récemment? Ce n'est pas très clair», dit-elle à l'AFP.
Pour Michael Kugelman, du cercle de réflexion Wilson Center, le problème nait du fait que «le gouvernement américain était prêt à négocier en position de faiblesse». «Trump veut partir d'Afghanistan. Est-ce qu'il va se retirer même sans accord?», a-t-il interrogé sur Twitter, tout en prédisant une possible reprise des négociations.
«Guerres sans fin»
De fait, le milliardaire républicain, qui a promis de «mettre fin aux guerres sans fin», avait donné son feu vert il y a un an à ces négociations directes et inédites avec les talibans.
Un accord était sur le point d'être conclu pour permettre un début de retrait progressif des 13.000 à 14.000 soldats américains en Afghanistan, en échange de garanties contreterroristes de la part des talibans, d'une «réduction de la violence» et du lancement de négociations de paix directes avec les autorités de Kaboul, ce à quoi les insurgés s'étaient jusqu'ici toujours refusés.
Mais le gouvernement afghan a exprimé sa «préoccupation» cette semaine sur le projet d'accord, demandant des éclaircissements à Zalmay Khalilzad, qui était donc retourné jeudi à Doha, au Qatar, pour reprendre les tractations avec les talibans.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait initialement dit espérer une entente avant le 1er septembre pour que ces négociations interafghanes puissent démarrer avant l'élection présidentielle prévue le 28 septembre en Afghanistan.
Et Donald Trump, qui juge de longue date que ce conflit a coûté trop d'argent et de vies humaines aux Etats-Unis, avait clairement fait savoir qu'il voulait battre le rappel des troupes avant de briguer un second mandat en novembre 2020.
A tel point qu'une partie des observateurs et de la classe politique américaine, malgré le consensus sur la nécessité de mettre fin à ce conflit, redoutaient que le locataire de la Maison Blanche signe un «mauvais accord» en raison de son empressement électoraliste.
Plusieurs anciens ambassadeurs des Etats-Unis en Afghanistan avaient d'ailleurs mis en garde mardi dans une lettre ouverte contre la possibilité d'un retrait total des soldats américains avant que la paix ne soit réellement revenue dans le pays.
Mais le président il a finalement dit «non» samedi, comme il avait renoncé en février à conclure en accord avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en estimant que les conditions n'étaient pas réunies.