La crise politique en Italie semble toucher à sa fin. Le Premier ministre sortant Giuseppe Conte a été officiellement chargé par le président, ce jeudi 29 août, de former un nouveau gouvernement, composé du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème) et du Parti démocrate (PD, centre-gauche). Deux anciens ennemis pour une alliance de circonstance, qui pose question sur ses chances de réussite.
Il y a quelques mois encore, le Parti démocrate n'était pour les Cinq Etoiles qu'un ramassis de «corrompus», de «mafieux» et même d'«assassins». A l'inverse, le M5S était pour les Démocrates une formation d'«incompétents» et d'«extrémistes». Après les législatives de mars 2018, le patron du PD Matteo Renzi - chef du gouvernement de 2014 à 2016 - avait même refusé de discuter avec le parti antisystème, fondé par l'humoriste Beppe Grillo, d'une éventuelle coalition gouvernementale.
Mais juste après l'annonce, le 8 août dernier, par le patron de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini, de l'éclatement de la coalition au pouvoir entre son parti et le M5S, c'est étonnamment de Matteo Renzi qu'est venue l'idée d'un mariage avec la formation antisystème. «Une alliance aussi contre-nature que la précédente, entre la Ligue et le M5S», selon Marc Lazar, professeur d'histoire et de sociologie politique à Sciences Po et spécialiste de l'Italie.
Beaucoup de points de divergence
Celle-ci tourne en effet autour d'un seul objectif commun : éviter des élections législatives anticipées, alors que les deux partis sont en souffrance dans les sondages, et ainsi barrer la route à Matteo Salvini, le charismatique leader de la Ligue et ancien ministre de l'Intérieur, qui se voyait déjà Premier ministre au vu de ses récents succès électoraux (notamment aux européennes) et de sondages largement en sa faveur (entre 31 et 33 % des intentions de vote).
Mais pour Marc Lazar, «tout laisse entendre que cette coalition ne durera pas». «Les deux partis ont beaucoup plus de points de désaccord que de points d'entente», poursuit l'historien. Notamment sur la question des grands travaux, symbolisée par le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin, auquel le M5S est opposé alors que le PD y est favorable.
Les deux partis ne semblent pas non plus sur la même longueur d'ondes au sujet des migrants, une partie des Cinq Etoiles ayant un discours de fermeté, à l'opposé des Démocrates, qui reprochent justement à la formation antisystème d'avoir cautionné les mesures anti-immigration de Matteo Salvini lorsqu'elle était au pouvoir avec le dirigeant d'extrême droite.
Des discussions épineuses sur la répartition des ministères
De quoi créer des tensions au sein de la future coalition. Mais les prochains jours s'annoncent déjà orageux, avant même l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. En effet, le Premier ministre Giuseppe Conte, proche du M5S, va devoir s'atteler à la nomination des ministres, dont les noms pourraient être annoncés ce lundi 2 septembre. «Les négociations vont être terribles», prédit Marc Lazar. Chacun des deux partis va en effet vouloir le plus grand nombre de porte-feuilles, et va également se battre pour obtenir les maroquins les plus prestigieux (Intérieur, Affaires étrangères, etc.).
Le cas de Luigi Di Maio, chef du M5S et ancien ministre du Développement économique et de l'Emploi, promet notamment d'être délicat, lui qui apparaît très affaibli après 14 mois d'alliance avec Matteo Salvini, durant lesquels il s'est fait laminer médiatiquement par le Lombard de 46 ans.
Mais la conclusion d'une telle coalition entre le M5S et le PD est encore sujette à deux inconnues. D'une part, le parti antisystème veut soumettre l'accord de gouvernement conclu avec la formation de centre-gauche au vote en ligne de ses adhérents, via la plate-forme «Rousseau», pas réputée pour sa transparence. D'autre part, le nouvel exécutif devra obtenir la confiance des deux chambres du Parlement, ce qui peut poser problème car le M5S et le PD n'ont pas la majorité (à quelques sièges près) au Sénat.