Au moins 57 détenus ont été tués lundi lors d'un affrontement dans une prison du nord du Brésil, un nouveau massacre qui endeuille le système pénitentiaire de cette région stratégique où des factions criminelles rivales se disputent le trafic de cocaïne.
Les autorités pénitentiaires locales ont précisé que 16 prisonniers avaient été retrouvés décapités.
La mutinerie, qui a débuté vers 07H00 (10H00 GMT) au Centre de redressement régional d'Altamira, dans l'Etat du Para, au cœur de la forêt amazonienne, s'est terminée en fin de matinée.
«Deux gardiens ont été pris en otage, mais ils ont vite été libérés parce que l'objectif était de montrer qu'il s'agissait d'un règlement de comptes entre factions rivales et non une émeute pour protester contre les conditions de détention», a affirmé le gouverneur du Para, Jarbas Vasconcelos, cité dans un communiqué des autorités locales.
Des détenus issus d'une section de la prison réservée aux membres d'une faction criminelle ont fait irruption dans une autre zone où se trouvaient des prisonniers appartenant à un gang rival, avant d'y mettre le feu.
«Il est probable que de nombreux détenus soient morts asphyxiés», a souligné la porte-parole des services pénitentiaires, précisant que des experts étaient sur place et que le bilan pourrait encore s'alourdir.
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre six têtes de prisonniers entassées contre un mur. Un détenu apparaît ensuite dans le champ et fait rouler l'une d'elles avec son pied, comme s'il s'agissait d'un ballon de football.
Sur une autre vidéo, on peut voir des corps calcinés sur un toit d'où s'échappe une épaisse fumée noire, tandis que des prisonniers armés de machettes arpentent les lieux.
Le ministère de la Justice a indiqué dans un communiqué que des places avaient été rendues disponibles dans des prisons fédérales de haute sécurité pour que les «leaders impliqués dans la mutinerie» y soient transférés.
Le ministre Sergio Moro a «déploré les morts» et annoncé «une intensification du travail des services de renseignement» pour éviter que de tels drames se reproduisent.
En septembre, sept prisonniers avaient trouvé la mort lors d'une mutinerie dans cette même prison d'Altamira. La mutinerie avait été attribuée à une tentative d'évasion.
Route de la cocaïne
Avec plus de 726.000 détenus recensés en 2017, selon les derniers chiffres officiels, le Brésil compte la troisième population pénitentiaire du monde, souvent secouée par des drames.
La capacité officielle n'est que de 423.242 places, environ trois cinquièmes du total de personnes incarcérées dans ce pays de près de 210 millions d'habitants qui est l'un des plus violents au monde.
Fin mai, 55 détenus avaient été tués en deux jours lors d'affrontements dans plusieurs prisons de l'Etat d'Amazonie, également dans le nord du Brésil.
Début 2017, des émeutes sanglantes avaient causé la mort d'une centaine de prisonniers en un mois dans plusieurs Etats septentrionaux du pays, la plupart sauvagement assassinés, nombre d'entre eux étant décapités, parfois même éviscérés.
Des massacres attribués par les autorités aux affrontements entre factions rivales de narcotrafiquants, pour qui le nord du Brésil est une zone stratégique du transport de cocaïne en provenance de pays producteurs voisins comme la Colombie, le Pérou ou la Bolivie.
Pour Robert Muggah, directeur de recherche de l'Institut Igarape de Rio, «les dirigeants brésiliens ont toujours répondu à ces crises du système pénitentiaire en construisant plus de prisons et en prônant des peines plus lourdes».
Il considère qu'une solution plus efficace serait de «chercher des alternatives à la prison» pour certaines infractions moins graves afin de réduire la population carcérale.
Altamira, ville située à plus de 800 km de Belem, capitale du Para, connaît de graves problèmes de déforestation, des territoires censés être réservés aux tribus indigènes étant régulièrement la cible de trafiquants illégaux de bois et les gros propriétaires terriens.
Cette ville d'environ 110.000 habitants a vu sa population augmenter considérablement depuis le lancement en 2010 du projet de Belo Monte, une centrale hydroélectrique dont la construction doit se terminer d'ici la fin de l'année.
Il comprend un barrage qui sera le troisième plus grand au monde, nécessitant le déplacement de dizaines d'habitants vivant sur les rives du Xingu, un affluent de l'Amazone.