Le financier américain Jeffrey Epstein, proche de célébrités et de Donald Trump, a été inculpé lundi à New York d'exploitation sexuelle de dizaines de mineures.
Ce riche investisseur en fonds spéculatifs, arrêté dans le New Jersey samedi à son retour de France en jet privé, fait l'objet de deux chefs d'inculpation -exploitation sexuelle de mineures et conspiration en vue d'une exploitation sexuelle- qui pourraient lui valoir jusqu'à 45 ans de prison s'il était reconnu coupable.
Vêtu de la tenue réglementaire bleue marine des détenus et de baskets orange fluo, Epstein a plaidé non coupable lors d'une audience lundi à la mi-journée au tribunal fédéral de Manhattan.
Une nouvelle audience est prévue jeudi lors de laquelle les avocats de cet homme de 66 ans, qui est apparu un peu déboussolé lundi, plaideront pour sa libération sous caution, ont-ils annoncé.
Selon l'acte d'accusation rendu public par le procureur fédéral de Manhattan, il est accusé d'avoir, entre 2002 et 2005 au moins, fait venir des mineures -certaines âgées de 14 ans seulement- dans ses résidences de Manhattan et de Palm Beach (Floride) «pour se livrer à des actes sexuels avec lui, après quoi il leur donnait des centaines de dollars en liquide».
«Il en a aussi payé certaines pour qu'elles recrutent d'autres filles afin qu'elles soient elles aussi abusées par Epstein», ajoute l'acte d'accusation.
Il a ainsi pu «tisser une toile de victimes en constante expansion», selon le procureur fédéral de Manhattan Geoffrey Berman. «Il y a des dizaines de victimes à New York et des dizaines de victimes en Floride», a ajouté le procureur lors d'un point-presse.
Le fait d'inciter des mineures à la prostitution est un crime selon la loi fédérale, avec ou sans consentement.
Vieille affaire ou nouveau dossier ?
Epstein avait déjà été accusé en Floride, il y a plus de dix ans, de faits similaires. Mais à la suite d'un accord passé à l'époque avec le procureur fédéral chargé de cette affaire Alexander Acosta -aujourd'hui ministre du Travail de Donald Trump-, il avait obtenu de ne pas être poursuivi par la justice fédérale.
Il avait uniquement été condamné pour des faits mineurs de prostitution, qui lui avaient valu une peine de prison aménagée de treize mois.
L'accord est longtemps demeuré confidentiel, inaccessible y compris pour les victimes. «Cette inculpation est en réalité un remake» de l'affaire floridienne, a affirmé lundi l'un des avocats de la défense, Reid Weingarten. «C'est de l'histoire ancienne.»
Pour lui, les accusations du procureur fédéral de Manhattan «étaient connues des autorités américaines lorsqu'elles ont négocié l'accord» de 2008 avec Jeffrey Epstein, qui l'exonérait de toutes poursuites éventuelles au niveau fédéral.
Mais le procureur fédéral de Manhattan a expliqué que l'accord ne valait que pour le district de Floride où il a été conclu, pas pour celui de Manhattan.
«C'est très important pour les victimes» qu'il soit poursuivi aujourd'hui, a souligné Berman, ajoutant que des photos de mineures nues avaient été saisies lors d'une perquisition au domicile de l'accusé à Manhattan ce week-end.
A l'audience lundi, le procureur adjoint Alex Rossmiller a fait valoir que Epstein présentait «un risque de fuite extraordinaire», compte tenu des deux jets privés et des moyens «illimités» dont disposerait le financier, milliardaire selon certaines sources, même si sa fortune n'est pas connue précisément.
Ex-professeur de mathématiques devenu trader puis gérant de fonds d'investissement, Jeffrey Epstein était devenu une personnalité de la jet-set américaine. Il connaissait personnellement Bill Clinton, Donald Trump ou le prince Andrew, fils de la reine Elizabeth II.
«Je connais Jeff depuis 15 ans. Un type génial», disait Donald Trump dans un entretien au magazine New York en 2002. «C'est un plaisir de passer du temps avec lui. On dit même qu'il aime les jolies femmes autant que moi, et beaucoup sont plutôt jeunes.»
En avril 2016, une femme, Katie Johnson, avait attaqué au civil conjointement Jeffrey Epstein et Donald Trump, accusant notamment l'actuel président des Etats-Unis de l'avoir violée et battue en 1994, alors qu'elle n'avait que 13 ans. Elle avait été déboutée pour des motifs techniques.