La révolte ne se calme pas. Malgré la suspension du projet de loi controversé sur l'extradition, annoncée samedi 15 juin, la mobilisation continue à Hong Kong. Des dizaines de milliers de manifestants étaient en effet de nouveau dans la rue ce dimanche 16 juin, afin de maintenir la pression sur la cheffe de l'exécutif Carrie Lam.
Les protestataires réclament le retrait pur et simple du texte - qui vise à autoriser les extraditions vers la Chine -, la suspension n'étant pas une avancée suffisante pour eux. Ils craignent en effet que l'exécutif ressorte son projet de loi une fois que la contestation se sera apaisée, cette dernière ayant atteint son paroxysme dimanche 9 juin, avec un million de Hongkongais dans la rue selon les organisateurs (sur 7 millions d'habitants).
Pour Jimmy Sham, du Front des droits humains civiques, ce texte de loi est un «couteau» qui s'est abattu sur Hong Kong. «Il a presque atteint notre coeur. Maintenant le gouvernement dit qu'il ne l'enfoncera pas davantage, mais il refuse aussi de le ressortir», a-t-il déclaré. Les manifestants fustigent un projet de loi qui mettrait selon eux le territoire semi-autonome, ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997, à la merci du système judiciaire de Chine continentale, opaque et sous influence du Parti communiste. Les milieux d'affaires s'inquiètent également que le projet nuise à l'image et à l'attractivité économique de la région.
Carrie Lam appelée à la démission
Sans exclure un retour sur la table du projet de loi, Carrie Lam, la dirigeante pro-Pékin, a indiqué qu'il ne serait probablement pas adopté cette année, expliquant plutôt se concentrer sur les problématiques «économiques et de subsistance». Des élections étant prévues l'an prochain, il est également peu probable qu'il soit réintroduit en 2020, le camp pro-Pékin au pouvoir n'étant sans doute pas prêt à remettre à l'agenda un dossier aussi explosif, qui pourrait leur faire perdre de nombreux sièges au sein du Conseil législatif (le Parlement local). A court terme, texte de loi devrait donc rester au placard.
Au-delà de cet objectif, les manifestants réclament également la démission de Carrie Lam. Elle «a perdu toute crédibilité dans la population, elle doit démissionner», a déclaré samedi 15 juin la députée pro-démocratie Claudia Mo. «Elle reste, nous restons», a-t-elle ajouté, en référence à la manifestation de ce dimanche. Impopulaire, Carrie Lam refuse pour l'heure de quitter son poste, indiquant qu'elle utiliserait «son expérience pour construire un futur meilleur». Elle avait pourtant affirmé en 2017, avant de prendre la tête de la région, qu'elle démissionnerait si «l'opinion publique ne [la] rend plus capable de continuer [son] travail».
La privation de libertés par la Chine pointée du doigt
Les contestataires souhaitent par ailleurs que la cheffe du gouvernement s'excuse pour les violences policières, qui ont marqué la manifestation de mercredi dernier. Pas moin de 80 personnes, dont 22 policiers, ont été blessées, au cours des pires violences politiques qu'a connues Hong Kong depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Pour les protestataires, la police doit également abandonner les poursuites contre les manifestants, accusés d'être des «émeutiers» par Carrie Lam. Deux revendications balayées d'un revers de main par la dirigeante, qui a refusé de présenter ses excuses et qui a indiqué que l'application de la loi par la police était «juste et raisonnable».
Mais cette mobilisation dépasse le cadre du projet de loi sur les extraditions. C'est en effet le symbole du ras-le-bol d'une grande partie de la population hongkongaise, qui accuse Pékin et le gouvernement de Hong Kong, favorable à la Chine, de rogner depuis des années les libertés du territoire semi-autonome. L'un des derniers exemples en date, en avril dernier, est la condamnation à des peines de prison ferme de quatre leaders de la «révolte des parapluies», un mouvement pro-démocratie qui avait paralysé Hong Kong à l'automne 2014.