Plusieurs civils ont été tués par balles et une cinquantaine de policiers ont été blessés, dans les violences qui provoquent «une panique totale» dans le centre du Bénin depuis cinq jours, sur fond de rivalité entre l'actuel président Patrice Talon et son prédecesseur Thomas Boni Yayi.
Au moins deux personnes ont été tuées samedi à Savè, dans le centre du Bénin, alors que les forces de sécurité tentaient de déloger les opposants, mais on craint d'autres morts à Tchaourou, commune d'origine de l'ancien chef de l'Etat Boni Yayi, un peu plus au nord.
Les violences ont éclaté dès mardi à Tchaourou après l'arrestation de deux personnes, accusées de violences électorales lors des législatives du 28 avril.
Les populations, qui se sont soulevées contre ce qu'elles qualifiaient «d'arrestations arbitraires», ont bloqué la route nationale, artère économique de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest.
«Les agents des forces de l'ordre et de sécurité ont été dans la nuit de ce vendredi à (...) samedi la cible de tirs nourris auxquels ils ont risposté dans les localités de Tchaourou et de Savè, tuant ainsi les assaillants», a déclaré le ministre de l'Intérieur Sacca Lafia lors d'une conférence de presse à Cotonou samedi soir.
«À ce jour, on dénombre une cinquantaine de blessés parmi les forces de défense et de sécurité, dont 10 graves», a-t-il dit.
Echanges de tirs
Les rares habitants de Tchaourou qui n'ont pas fui vers les campagnes et que l'AFP a pu contacter, ont fait état de «plusieurs morts par balles» et de blessés graves, sans pouvoir donner de bilan précis.
Les violences se sont propagées jeudi à Savè, à une centaine de kilomètres plus au sud, lorsque les populations ont voulu empêcher le passage d'un contingent de la police se dirigeant vers Tchaourou.
La journée de vendredi a été très tendue et «il y a eu à nouveau des échanges de tirs entre policiers et des individus masqués samedi matin», a affirmé le maire de Savè, Timothée Biaou. «Sept civils ont été reçus à l'hôpital et il y a aussi eu deux morts».
«Samedi matin, il y a eu deux morts: le premier vers 10h00, c'était un taxi-moto, et le deuxième c'était un adolescent, qui était allé faire une course», a expliqué un témoin de la scène à l'AFP.
«La route a été débloquée, mais c'est la panique totale. Beaucoup de gens ont fui, les autres restent chez eux», a-t-il ajouté sous couvert de l'anonymat.
Rues désertes
Dans cette commune moyenne du centre du Bénin, les rues étaient désertes, le marché vide, boutiques et commerces fermés, ont rapporté des journalistes de l'AFP. La route a finalement été rouverte samedi en fin de journée.
Le calme restait très précaire et peu avant midi, le dispositif militaire dans la ville a été renforcé par une dizaine de véhicules blindés de l'armée, trois chars et des dizaines d'hommes armés.
Cette région est un bastion de l'ancien président Boni Yayi, dont le domicile à Cotonou est toujours encerclé par les forces de l'ordre depuis les manifestations post-électorales des 1er et 2 mai.
Au lendemain des législatives, que l'ex-président avait qualifiées de «coup d'Etat électoral», des centaines de ses partisans étaient descendus dans les rues de Cotonou, craignant qu'il ne se fasse arrêter.
«Assassinat politique»
Ils avaient été délogés à coups de balles réelles et Boni Yayi est toujours «séquestré» dans sa résidence, ont dénoncé samedi ses avocats. «Nous assistons aujourd'hui à un plan pensé, conçu et qui est en train d'être mis à éxecution et qui vise l'assassinat politique de Yayi», a déclaré Me Renaud Agbodjo.
Boni Yayi, qui a dirigé le Bénin entre 2006 et 2016, et l'actuel président Patrice Talon sont des ennemis de longue date.
Patrice Talon, qui était dans l'opposition avant d'arriver au pouvoir en avril 2016, avait d'ailleurs été forcé à l'exil par son prédécesseur.
Début mai, la répression des manifestations par l'armée avait déjà fait au moins quatre morts par balles selon Amnesty International, et de nombreux blessés à travers le pays.
Des ONG de défense des droits humains ont dénoncé le tournant autoritaire du président Patrice Talon dans un pays qui a longtemps été considéré comme un modèle de démocratie en Afrique de l'Ouest.