Pour la première fois, le changement climatique est devenu un sujet de premier plan pour les partis politiques traditionnels lors d'élections européennes, en écho notamment à la vague de mobilisation chez les jeunes.
Vendredi, en plein scrutin européen, ces derniers sont appelés à descendre dans les rues pour une nouvelle «grève mondiale pour le climat», la deuxième du genre après celle du 15 mars qui avait mobilisé des centaines de milliers d'étudiants et de lycéens dans le monde.
La jeune Greta Thunberg est devenue l'un des visages emblématiques des manifestations. Des milliers d'adolescents et jeunes adultes ont suivi son appel à sécher les cours une fois par semaine.
La Suédoise de 16 ans, invitée à Bruxelles, avait averti les représentants de la classe politique européenne qu'ils resteraient dans l'histoire comme «les plus grands méchants de tous les temps» s'ils n'agissent pas.
Le consensus grandissant en faveur d'une réaction urgente face au dérèglement climatique nourrit les espoirs de coopération entre partis politiques. Mais certains craignent que cette dynamique soit entravée par les formations populistes, si elles devaient enregistrer une forte progression dans l'hémicycle européen.
Un baromètre publié en avril par le Parlement européen montrait que si l'économie, la croissance, la lutte contre le chômage des jeunes et l'immigration restent les principaux sujets de préoccupations des Européens, le changement climatique et la protection de l'environnement gagnent en importance.
Les citoyens d'une dizaine de pays (Suède, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Belgique, Luxembourg, Allemagne, France, Malte) y sont plus particulièrement attachés. D'autres sont encore loin d'y voir une priorité : la Bulgarie et la Roumanie - les deux pays les plus pauvres de l'UE - les Etats baltes, la Pologne ou la République tchèque.
«Dynamique historique»
«Comparé à 2014, c'est vraiment devenu l'un des enjeux majeurs», affirme à l'AFP Dara Murphy, directeur de campagne du Parti populaire européen (PPE), principale force politique au sein du Parlement sortant. Son parti de centre-droit a ajouté le changement climatique à son programme au cours des deux dernières années.
Pour l'analyste Stella Schaller, du think tank spécialisé Adelphi, le débat a vraiment pris un tournant "dans les quatre à six derniers mois", sur fond de sécheresses, incendies et inondations et leurs dures conséquences pour les agriculteurs, d'avertissements des scientifiques, de manifestations populaires et de large couverture médiatique.
Udo Bullmann, chef de file des socio-démocrates au Parlement européen, veut profiter d'une «dynamique historique».
Lui aussi assure que son groupe a révisé son agenda ces deux dernières années pour s'attaquer au défi climatique, tout en s'assurant que les plus pauvres et les chômeurs ne seront pas pénalisés par la transition énergétique et en évitant une agitation sociale, à l'image du mouvement des «gilets jaunes» en France.
L'UE s'est engagée dans le cadre de l'accord de Paris sur le climat de décembre 2015 à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici 2030 (par rapport à 1990). Mais selon des scientifiques et des organisations non-gouvernementales, cette ambition est insuffisante pour atteindre l'objectif de limiter à moins de 2°C la hausse globale des températures par rapport à l'ère pré-industrielle.
Fronde anti-climat
Ces derniers mois encore, des groupes d'experts ont alerté sur les menaces pour l'humanité que représentent le changement climatique et la destruction de la nature. Mais face à ces mouvements, certains réagissent avec tout autant de passion.
A l'image d'autres groupes d'extrême droite, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) a décidé pour cette campagne européenne de surfer sur la fronde anti-climat.
Climatosceptique, pro-diesel et pro-charbon, il cherche à séduire ceux qui pensent que la lutte contre le changement climatique fait grimper les prix de l'énergie, détruit des emplois et nuit à l'industrie.
L'analyste Stella Schaller craint ainsi que «des groupes libéraux et conservateurs diluent des propositions» pour courtiser les nationalistes.
Mais le PPE «ne fera jamais affaire avec la droite extrême» sur le climat ou d'autres thèmes, insiste Dara Murphy.
Quant aux Verts, ils espèrent profiter du mouvement pro-climat. L'un de ses chefs de file aux européennes, Bas Eickout, reste prudent sur les espoirs de coopération transpartisane au sein de l'hémicycle renouvelé sur des sujets comme le prix du carbone, la fin des aides aux transports aériens ou l'allocation de fonds liés à des questions environnementales.
A la question de savoir si les partis politiques ont vraiment opéré un changement de fond sur le climat ou essaient simplement de gagner des voix, il répond que «le jury est toujours en train de délibérer».