Personne ne s’attendait à voir ce jeune maire d'une ville moyenne du Midwest américain faire le poids face aux grands noms du Parti démocrate. Pourtant, l'ex-militaire homosexuel Pete Buttigieg fait partie des stars montantes de l’opposition prêtes à concurrencer Donald Trump lors de la présidentielle de 2020. Mardi 4 février, il était en tête des résultats partiels du caucus de l'Iowa.
«Mon nom est Pete Buttigieg. On m'appelle "Mayor Pete". Je suis un enfant de South Bend, dans l'Indiana, et je me présente à l'élection présidentielle américaine». Manches de chemises retroussées, sourire charmeur et ton assuré : le trentenaire Pete Buttigieg avait officialisé le 14 avril 2019, devant une foule en liesse réunie dans sa ville de South Bend, sa candidature pour l'investiture démocrate de 2020.
"My name is Pete Buttigieg. They call me Mayor Pete. I am a proud son of South Bend, Indiana. And I am running for President of the United States.”
South Bend, Indiana, Mayor Pete Buttigieg officially launches his 2020 presidential campaign. https://t.co/ak42dRUf5R pic.twitter.com/CfMsTMZhBF— CNN (@CNN) 14 avril 2019
S'il réussissait l'exploit de se hisser jusqu'à la Maison blanche en 2020, le candidat démocrate, aujourd'hui âgé de 37 ans, deviendrait le plus jeune président des Etats-Unis. Et, par la même occasion, le premier homosexuel à occuper le bureau ovale.
Avec un nom réputé imprononçable - dites «Boot-edge-edge» ou «Boudèdjetch», il vend même des t-shirts avec la prononciation correcte de son nom pour récolter des fonds pour sa campagne - celui qui apparait comme un candidat plutôt discret et réservé fait pourtant une entrée remarquable sur la scène médiatique américaine, avec des interventions à la télé réussies, et des visites de terrains de plus en plus suivies.
Intello et vétéran
Il faut dire que Pete Buttigieg a un parcours qui fait rêver les Américains. Erudit, ses excellents résultats lui permettent d'étudier à Harvard, dont il sort diplômé avec les félicitations du jury. Il intègre également Oxford grâce à la prestigieuse bourse Rhodes : un programme d'échange très sélectif dont bénéficie l'élite des étudiants américains, comme Bill Clinton avant lui. Il parle sept langues, dont le français, sait jouer du piano et de la guitare.
Pete Buttigieg est également un vétéran de l'Afghanistan, où il a servi sept mois en tant que lieutenant de réserve de l'US Navy. A son retour, Il passe trois ans dans un important cabinet de conseil avant de se lancer en politique. A 29 ans, il est élu maire de South Bench, cité industrielle de 100 000 habitants dans l'Indiana, au nord-est des Etats-Unis.
«Mayor Pete», comme il est surnommé, aime ainsi à rappeler qu'il a plus d'expérience politique que Donald Trump au moment de sa candidature et qu'aucun président n'a été élu avec un expérience militaire comme la sienne depuis Georges Bush père, en 1988.
Un enfant du Midwest
C'est d'ailleurs sur ses racines du Midwest qu'il mise pour l'emporter. Issue des territoires de la «Rust Belt», abimée par le déclin des industries, ce fils d'immigré maltais semble savoir parler à un électorat ouvrier populaire, en particulier ceux qui n'ont pas voté pour Hillary Clinton en 2016, et ce, avec un discours plutôt progressiste. De ce fait, son résultat dans l'Iowa n'est pas anodin.
Partisan d'un «Green New deal» pour une économie américaine plus verte, il défend également une réforme sur les armes à feu et les droits des personnes transgenres.
Il soutient également le projet d'une assurance santé universelle et, à l'instar de ses concurrents démocrates comme Elizabeth Warren ou Bernie Sanders, propose de réformer le scrutin présidentiel américain, en mettant fin au collège électoral.
S'il ne met pas tant son homosexualité en avant dans sa campagne - il est marié à un professeur des écoles - il n'hésite pas à tacler le conservatisme du vice-président Mike Pence, autrefois gouverneur de l'Etat de l'Indiana où il est élu. Pour autant, sa chrétienté est au centre de sa campagne, puisqu'il défend une certaine «gauche religieuse», quand la grande majorité des progressistes s'éloignent de ces questions.
«J'aimerais que tous les Mike Pence du monde puissent comprendre que… si vous avez un problème avec ce que je suis, votre problème n'est pas avec moi. Votre querelle, monsieur, est avec mon créateur», avait-t-il lancé début avril.
Un challenger inattendu au parcours remarquable, coqueluche des médias... mais Pete Buttigieg a t-il vraiment des chances d'emporter l'investiture démocrate parmi les 18 candidats déjà en lice ? Depuis l'élection de Donald Trump, tout semble possible, d'autant plus avec une victoire dans l'Iowa face à Bernie Sanders.
Le candidat a réussi à récolter plus de 7 millions de dollars au premier trimestre de 2019, un chiffre non négligeable pour un candidat que presque personne ne prenait au sérieux lors de son entrée dans la course, le 23 janvier, date du lancement de son comité exploratoire.
Sortir du lot est déjà un atout, mais encore faut-il se démarquer vis-à-vis des 17 autres candidats démocrates. S'il ne devient pas le représentant de son parti à la présidentielle de 2020, le phénomène Buttigieg semble néanmoins bien se placer pour faire partie de l'équipe d'un gagnant démocrate à Washington.