Brexit reporté, électeurs frustrés, sondages désastreux... Ashley Fox, chef des députés européens conservateurs britanniques, l'admet bien volontiers: faire campagne pour les élections européennes est «difficile».
«Je comprends que les gens puissent être en colère», déclare l'élu de 49 ans, installé devant une tasse de thé dans la permanence des conservateurs de Bristol (sud-ouest de l'Angleterre), à propos du climat ambiant au Royaume-Uni.
Les Britanniques étaient censés quitter l'Union européenne le 29 mars, moins de trois ans après le référendum du 23 juin 2016 qui les avaient vus voter à 52% en faveur du Brexit. Mais faute de consensus au Parlement, Theresa May a été contrainte de repousser à deux reprises ce divorce historique, désormais programmé pour le 31 octobre au plus tard, sans que personne ne sache encore quelle forme il prendra.
Résultat: le pays se retrouve dans l'obligation d'organiser en catastrophe le scrutin européen, prévu le 23 mai, pour élire des députés européens qui pourraient ne siéger que quelques mois.
Crainte du vote sanction
«Nous savons que (ces élections) seront difficiles pour mon parti parce que les électeurs sont frustrés, dit Ashley Fox. Nous l'avons vu lors des élections locales de la semaine dernière, lors desquelles mon parti, et le Parti travailliste, ont perdu des sièges».
«Mais nous nous battrons», promet le parlementaire, appelant les pro-Brexit ulcérés par les atermoiements sur le sortie de l'UE à ne pas se tourner vers le Parti du Brexit de Nigel Farage, en tête dans les sondages.
Reste que la bonne volonté affichée par M. Fox tranche avec le manque d'enthousiasme des cadres du parti de la Première ministre Theresa May. Sentant peut-être le vent du boulet, les tories n'ont pas encore lancé officiellement de campagne, laissant à ce stade aux sections locales le soin de livrer bataille.
Ashley Fox lui-même n'a prévu qu'une campagne limitée, axée sur les réseaux sociaux notamment, mais peu de porte-à-porte. Par peur de servir de défouloir aux électeurs? Non, affirme-t-il, en invoquant plutôt le manque de temps jusqu'au 23 mai.
Les jours qui restent jusqu'au scrutin, Stephen Williams, candidat du parti Libéral-Démocrate, centriste et anti-Brexit, compte au contraire les exploiter au maximum. Quitte à faire du porte-à-porte quotidiennement ou presque, comme ce jour-là à Redcliffe, un quartier du port de Bristol.
«Le message que nous allons faire passer, c'est que nous voulons empêcher le Brexit», dit à l'AFP cet ancien député, avant de se présenter devant une maison cossue de plusieurs étages offrant un panorama imprenable sur la ville.
Apparaît un jeune homme débraillé, semblant peu captivé par les enjeux du scrutin. Qu'importe, Stephen Williams a l'habitude des aléas du démarchage à domicile: cela fait 35 ans qu'il le pratique.
«Sortir de ce bazar»
La prochaine maison lui réserve d'ailleurs un accueil plus enthousiaste. Sur le perron, Dan Tyndall, un révérend, partage volontiers l'européisme du candidat centriste.
«J'espère (que les élections) nous permettront de savoir comment nous pourrons sortir de ce bazar», dit-il.
Tracts «Stoppons le Brexit» en main, Stephen Williams enchaîne inlassablement porte après porte, sans rencontrer de «Brexiters». Pas forcément surprenant dans la mesure où la ville avait voté à 61,7% contre la sortie de l'UE en 2016.
«Les libéraux-démocrates sont le plus grand parti en faveur du maintien (dans l'UE)», dit-il, comme un refrain, à une femme de 57 ans, Elizabeth Davis, dont le petit chien noir jappe et se glisse entre les jambes du candidat centriste.
Là encore, le discours trouve des oreilles réceptives. «Je n'ai jamais voté conservateur de toute ma vie et je ne peux plus voter pour le Parti travailliste, parce qu'il n'est pas parvenu à incarner une vraie opposition» aux conservateurs, dit-elle, en écho aux critiques accusant le Labour de manquer de clarté sur le Brexit.
Satisfait, Stephen Williams peut continuer sa campagne. Avec l'espoir de passer devant les conservateurs le 23 mai.