La chrétienne Asia Bibi a quitté le Pakistan, ont annoncé mercredi des médias pakistanais, plus de six mois après avoir été acquittée d'une condamnation à mort pour blasphème, qui avait suscité l'indignation à l'étranger.
Dawn, le quotidien en anglais le plus reconnu du pays, a titré qu'Asia Bibi avait «quitté le pays», en citant une source anonyme au ministère des Affaires étrangères pakistanais. Geo News, une des plus grandes chaînes de télévision du pays, a également fait état de son départ, citant des sources qualifiées de «proches d'Asia Bibi». Les autorités pakistanaises ne se sont pas encore prononcées sur sa destination ou les conditions de son départ, si celui-ci est confirmé.
Pour l'instant, nul ne sait si Asia Bibi a pu rejoindre le Canada, où ses filles ont fui il y a déjà plusieurs mois. Justin Trudeau, le Premier ministre du pays, a quant à lui refusé de répondre à cette interrogation, invoquant «des questions de sécurité». «Je ne peux pas confirmer quoi que ce soit pour des raisons de vie privée», a-t-il ainsi déclaré. Mais l'avocat d'Asia Bibi et plusieurs sources sécuritaires au Pakistan ont indiqué que la chrétienne y avait bien rejoint ses enfants.
Asia Bibi avait été condamnée à mort pour blasphème en 2010, après avoir été accusée par deux villageoises musulmanes avec qui elle travaillait d'avoir «insulté» le prophète Mahomet lors d'une querelle autour d'un verre d'eau.
Son cas était devenu emblématique des dérives de la loi sur le blasphème au Pakistan, souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels, via la diffusion de fausses accusations. «C'est un grand soulagement que cette épreuve honteuse soit enfin arrivée à son terme et que Asia Bibi et sa famille soient en sécurité», a déclaré Omar Waraich, directeur adjoint du programme Asie du Sud d'Amnesty International.
«Abroger» la loi
«Elle n'aurait jamais dû être emprisonnée, et encore moins subir les menaces constantes qui pèsent sur sa vie», a-t-il poursuivi, appelant à «abroger» la loi sur le blasphème au Pakistan. Mme Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d'une cinquantaine d'années, avait fini par être acquittée en octobre par la Cour suprême pakistanaise, la plus haute instance judiciaire du pays, après avoir passé plus de huit ans dans les couloirs de la mort.
Après son acquittement, des milliers d'islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, le blasphème étant une question incendiaire au Pakistan. Cette même Cour suprême l'avait ensuite définitivement blanchie en janvier en rejetant un recours contre son acquittement.
Le sort d'Asia Bibi a eu un retentissement international, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. L'une de ses filles a rencontré ce dernier à deux reprises. «Asia Bibi est enfin libre», s'est réjouie une association de chrétiens britanniques d'origine pakistanaise (British pakistani christian association), qui dit s'être impliquée dans l'affaire Asia Bibi.
«La plus célèbre victime de la loi pakistanaise sur le blasphème, a finalement été libérée de son pays natal, où elle est devenue la figure la plus détestée du pays, bien que les tribunaux l'aient exonérée des fausses accusations qui l'avaient maintenue en cellule d'isolement pendant presque dix ans», a poursuivi cette association dans un communiqué.