Deux journalistes de Reuters condamnés à sept ans de prison en Birmanie, après avoir enquêté sur un massacre de musulmans rohingyas, ont été libérés mardi, à l'issue de mois de pression internationale sur le gouvernement de la prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi.
Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été assaillis par les médias en sortant de la prison de Rangoun où ils ont passé plus de 500 jours en détention.
«Je suis un journaliste et je vais continuer» à travailler, a déclaré Wa Lone. «J'ai hâte de retourner à la rédaction» et de «revoir ma famille et mes collègues», a-t-il ajouté.
Tollé international
L'ONU a salué dans un communiqué leur libération dans le cadre d'une grâce comme «un pas vers une plus grande liberté de la presse et un signe de l'engagement du gouvernement en faveur de la transition démocratique en Birmanie».
La Cour suprême birmane avait rejeté début mai le recours des deux journalistes de Reuters, dont la condamnation avait soulevé un tollé international.
Leur enquête leur a valu le prix Pulitzer, plus haute récompense du journalisme aux Etats-Unis. Ils ont également été distingués par l'Unesco et désignés, aux côtés de plusieurs confrères, personnalités de l'année 2018 par le magazine Time.
Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été condamnés pour avoir enfreint la loi sur les secrets d'Etat qui date de l'époque coloniale. Ils étaient accusés de s'être procuré des documents classifiés relatifs aux opérations des forces de sécurité birmanes dans l'Etat Rakhine, région du nord-ouest de la Birmanie et théâtre des exactions à l'encontre de la minorité musulmane rohingya.
Au moment de leur arrestation, en décembre 2017, ils enquêtaient sur un massacre de Rohingyas à Inn Din, un village du nord de l'Etat Rakhine.
Depuis, l'armée a reconnu que des exactions avaient bien eu lieu trois mois plus tôt et sept militaires ont été condamnés à dix ans de prison.
Les deux reporters ont toujours assuré avoir été trompés. Et l'un des policiers qui a témoigné dans ce dossier a reconnu que le rendez-vous au cours duquel les documents classifiés leur avaient été remis était un «piège» destiné à les empêcher de poursuivre leur travail.
De nombreux défenseurs des droits humains avaient exhorté la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, chef de facto du gouvernement birman, à user de son influence pour que les deux journalistes obtiennent une grâce présidentielle. Mais elle avait jusqu'à présent refusé d'intervenir, invoquant l'indépendance de la justice.
Déjà très critiquée pour ses silences sur le drame rohingya, elle avait même justifié l'emprisonnement des deux hommes non «pas parce que c'étaient des journalistes» mais «parce qu'ils avaient enfreint» la loi.