«Ils devront se mettre à genoux et implorer mon pardon, ce sont vraiment les ennemis du peuple». Le tweet présidentiel, d'une agressivité inouïe, visait le New York Times.
Les attaques au vitriol de Donald Trump contre les médias n'ont rien de nouveau. Mais elles ont encore gagné en fréquence et en férocité ces dernières semaines.
Son meeting de campagne samedi soir à Green Bay, dans le Wisconsin, devrait selon toute vraisemblance donner lieu à de nouveaux assauts contre les journalistes. D'autant qu'au même moment aura lieu, à Washington, le dîner de l'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA).
Comme en 2017 et 2018, le milliardaire républicain a décidé de bouder ce rendez-vous annuel – «ennuyeux» selon ses termes – qui met la liberté de la presse à l'honneur et donne l'occasion au président américain de prononcer un discours, en général teinté d'autodérision, sur l'année écoulée.
La tradition de ce dîner a débuté en 1921. Depuis 1980, tous les présidents, démocrates comme républicains, y ont assisté, sauf Ronald Reagan en 1981 qui se remettait alors d'un attentat dans lequel il avait été grièvement blessé.
C'est lors de cette soirée, auquel il participait en tant qu'invité en 2011, que Donald Trump avait été la cible des piques de Barack Obama, qui avait raillé son goût prononcé pour les théories du complot.
Cette année, pour la première fois depuis plus de dix ans, aucun humoriste ne montera à la tribune pour moquer le président et les journalistes: c'est un historien, Ron Chernow, qui s'exprimera.
Désigner un «ennemi»
Les raisons de l'intensification des attaques du président de la première puissance mondiale contre les médias qu'il qualifie à la moindre occasion de «Fake News» ? Difficile de se prononcer avec certitude. Mais, au-delà de la volonté de galvaniser sa base électorale en désignant un «ennemi», la diffusion des conclusions du rapport du procureur spécial Robert Mueller sur l'enquête russe a incontestablement déstabilisé le locataire de la Maison Blanche.
Autre hypothèse : le milliardaire américain raffole de l'attention des journalistes, or elle lui échappe un peu avec l'entrée en lice des candidats démocrates pour l'élection présidentielle de 2020.
Kamala Harris, Beto O'Rourke, Pete Buttigieg, Joe Biden : un a un, depuis plusieurs semaines, ils captent un peu de la lumière, et déplacent l'attention des médias américains au-delà de la seule Maison Blanche.
Les attaques sont d'autant plus remarquables qu'elles s'accompagnent de la quasi-disparition du point de presse quotidien de la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders. Cela fait plus de 40 jours que cette dernière ne s'est pas présentée au podium de la célèbre salle de presse pour faire face aux questions des journalistes.
Et cette année, contrairement à l'année dernière, elle ne participera pas, elle non plus, au dîner de gala: tous les membres de l'équipe Trump ont reçu comme consigne de décliner l'invitation.
«Soyons clairs: le fait que cette administration réduise les points de presse de la Maison Blanche, du Pentagone et du département d'Etat est infiniment plus grave que de la question de savoir si le président participe au dîner des correspondants», souligne, dans Politico, Olivier Knox, président de la WHCA.
Certes, le président lui-même répond plusieurs fois par jour aux questions des journalistes. Mais cela se fait toujours dans une certain désordre, suivant son tempo, dans les jardins de la Maison Blanche avant qu'il ne monte dans son hélicoptère, ou dans le Bureau ovale au milieu d'un véritable brouhaha.
Et rien n'indique que les relations du 45e président des Etats-Unis avec la presse sont sur le point de s'apaiser.
Jeudi, Sarah Sanders s'est bien présentée au pupitre. Mais c'était pour répondre aux questions des enfants du personnel de la Maison Blanche qui participaient à la journée «Emmenez vos enfants sur votre lieu de travail».
Vendredi, devant les membres de la NRA, puissant lobby des armes, Donald Trump n'a pas fait dans la dentelle: «Le niveau de malhonnêteté et de corruption dans les médias est incroyable», a-t-il lancé.
Pour Jeffrey Morosoff, qui enseigne le journalisme à la Hofstra University près de New York, le président américain «joue un jeu dangereux». «Un jour, l'un de ses supporteurs va s'en prendre physiquement à un journaliste».