La transition est-elle entamée ? Les klaxons et les cris de joie ont retenti le 11 mars au soir dans les rues d’Alger, après que le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé qu’il ne se briguerait finalement pas un cinquième mandat. Après plusieurs semaines de protestations, le mouvement, d’une ampleur inédite, a donc obtenu ce qu’il souhaitait. Mais la joie a vite laissé place aux interrogations concernant l’avenir de la vie politique et publique du pays.
Le retrait d’Abdelaziz Bouteflika a agréablement surpris les manifestants. Réussir à faire reculer un président au pouvoir depuis plus de vingt ans est en effet particulièrement rare dans cette région du monde. D’autant plus que grâce à ce succès, construit sans effusion de sang, les Algériens voient une occasion de retrouver un poids démocratique.
Cela fait naître «l’espoir qu’une nouvelle dynamique pouvant répondre aux aspirations du peuple puisse s’engager», a d’ailleurs estimé Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. Car derrière le départ annoncé du dirigeant de 82 ans, la volonté affichée est la suivante : amorcer une transition transparente. La nouvelle Constitution annoncée, dont les contours ne sont pas encore connus, pourrait également répondre à un besoin de changement du système actuel, dont une partie de la population ne veut plus.
Cependant, pour certains, la méfiance persiste à cause de la décision de repousser l’élection présidentielle, ce qui prolonge de facto le mandat d’Abdelaziz Bouteflika jusqu’à une date inconnue. Selon son message au peuple dévoilé lundi, il faudra en effet attendre la fin d’une «Conférence nationale», prévue pour la fin 2019.
«Cette notion de retrait visait [...] à créer le sentiment d’une victoire. Mais le fait que le président se soit autoproclamé garant de ce processus a vidé ses propositions de leur substance», explique Louisa Dris-Aït Hamadouche, enseignante en sciences politiques à l’Université Alger 3. Les manifestants redoutent donc que la présidence ne cherche juste à gagner du temps. Une hypothèse bien loin des espoirs de démocratie qui traversent le pays. Des milliers d’étudiants sont donc sortis dans les rues dès le 11 mars pour contester les propositions du président algérien, tandis que des appels à défiler le 15, premier jour du week-end, fleurissent sur les réseaux sociaux.
Pas de chaos en vue
Si la crise politique risque fort de se poursuivre dans les semaines à venir, un effondrement du pays, comme ce fut le cas ailleurs dans la région durant les Printemps arabes de 2011, paraît peu probable. En effet, l’Algérie est, malgré une dépendance aux hydrocarbures, la plus riche nation du Maghreb et la quatrième sur le continent. Elle connaît également une relative paix sociale qui stabilise le pays, quand ses voisins sont en crise.
Un équilibre aidé par le clientélisme. «Il y a des redistributions de richesses aux syndicats, ou des postes politiques promis à des personnalités pour contrôler le pays», explique Brahim Oumansour, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Algérie. Enfin, le calme des manifestations montre une volonté de ne pas tomber dans l'insurrection. Avec en mémoire le douloureux souvenir de la guerre civile, qui a fait des dizaines de milliers de morts entre 1991 et 2002.