Après le troisième rejet par le Parlement britannique de l'accord de Brexit de Theresa May le 29 mars dernier, un sommet européen consacré spécialement à ce dossier doit se tenir à Bruxelles ce mercredi 10 avril. Les Vingt-Sept doivent se mettre d'accord sur une issue au divorce, alors que plusieurs scénarios se dessinent.
Un court report du Brexit
Après avoir déjà été repoussé du 29 mars au 12 avril, le Brexit pourrait être reporté une seconde fois. C'est en tout cas ce que souhaite Theresa May, qui a demandé à l'UE, vendredi 5 avril, de lui accorder un délai supplémentaire, jusqu'au 30 juin, le temps de trouver un plan pour sortir de l'impasse. Elle espère en effet en trouver un lors de discussions, entamées mercredi 3 avril, avec le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn. Mais celles-ci paraissent mal parties, les travaillistes se disant «déçus» vendredi de l'avancée des négociations.
La demande de report formulée par la Première ministre britannique sera au programme du sommet européen du mercredi 10 avril, à Bruxelles. Pour être validée, elle devra être approuvée à l'unanimité par les Vingt-Sept Etats membres de l'UE.
Mais pas sûr que les dirigeants européens accèdent à sa demande. La locataire du 10 Downing Street avait en effet déjà réclamé une extension jusqu'au 30 juin lors du sommet européen du 21-22 mars. Celle-ci avait été rejetée, les Européens lui accordant seulement un report jusqu'au 12 avril, afin que le Brexit ne se télescope pas avec les élections européennes du 23-26 mai, auxquelles les Britanniques ne doivent pas prendre part.
Toutefois, la donne a changé depuis, puisque Theresa May s'est engagée à lancer les préparatifs pour participer au scrutin, même si elle espère trouver un accord avant, «qui permette au Royaume-Uni de quitter l'UE avant le 23 mai et ainsi annuler (la participation du pays aux) élections européennes», a-t-elle déclaré dans une lettre envoyée vendredi 5 avril au président du Conseil européen Donald Tusk.
Un long report du Brexit
Contrairement à Theresa May, Donald Tusk préférerait un report du Brexit «flexible», d'un an maximum. Selon un haut responsable européen, le président du Conseil européen a proposé cette option aux Vingt-Sept vendredi 5 avril. Concrètement, cela permettrait de faire baisser la tension sur ce dossier explosif, tout en laissant une porte de sortie au Royaume-Uni, qui pourrait quitter l'Union avant le 12 avril 2020, dès qu'un accord de retrait aura été ratifié par le Parlement britannique.
Tout comme le court report demandé par Theresa May, une longue extension devra être approuvée à l'unanimité par les Vingt-Sept Etats membres de l'UE, lors du sommet européen du 10 avril.
Mais un tel scénario impliquerait une participation des Britanniques aux prochaines élections européennes. Une éventualité que Theresa May refuse de voir advenir. Ce ne serait «ni dans l’intérêt du Royaume-Uni (…), ni dans celui de l’UE», a-t-elle menacé. La Première ministre est en plus mise sous pression par certains députés de son parti conservateur, qui l'ont avertie qu’ils essayeraient de la pousser dehors si une telle option devenait réalité.
Une sortie sans accord
Il est possible d'imaginer que l'UE refuse toute demande de report du Brexit, ce qui conduirait à une sortie du Royaume-Uni sans accord le 12 avril prochain, un scénario communément appelé «no deal».
Ce serait alors un divorce brutal. Les relations économiques entre le Royaume-Uni et l'Union seraient en effet soumises aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), plus strictes que celles du marché unique européen. Des contrôles douaniers devraient être mis en place en urgence aux frontières du Royaume-Uni. Pénuries de médicaments, embouteillages monstres aux frontières, avions cloués au sol... Les conséquences pourraient être désastreuses des deux côtés de la Manche.
Mais il y a tout de même peu de chances que cette option devienne réalité, car c’est l’hypothèse que veulent éviter à tout prix Londres comme Bruxelles. Les deux parties ont tout de même ces derniers mois intensifié leur préparatifs en vue d'un éventuel «no deal», en mettant notamment en place des plans d'urgence, à l'instar de ce qu'a fait la France.
Le texte de Theresa May approuvé et une sortie avec accord
Theresa May pourrait soumettre une quatrième fois au vote des députés britanniques son accord de retrait, déjà écarté à trois reprises. En effet, alors qu'il avait été rejeté par 230 voix d'écart la première fois et 149 voix d'écart la deuxième, il a été refusé par seulement 58 votes d'écart le 29 mars dernier.
Mais pour le faire re-voter, la Première ministre devra convaincre le président de la Chambre des communes, John Bercow, qui avait refusé le troisième vote sur le texte, arguant que ce n'était pas possible de soumettre le même accord aux députés deux fois. Theresa May avait alors contourné cette règle, présentant aux parlementaires le 29 mars seulement le traité de retrait, sans la déclaration politique, qui définit les liens qu'entretiendront Londres et l'UE après le Brexit.
Si l'accord de Theresa May était approuvé, s’ouvrirait alors le 22 mai une période de transition, au moins jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle tout fonctionnera comme avant, le temps que Londres et Bruxelles se mettent d’accord sur leur relation future.
Une autre solution ?
D'autres scénarios, plus improbables, sont également possibles. L'un d'eux est la convocation d’élections législatives anticipées, après l’adoption d’une motion de censure contre Theresa May ou bien sur décision de la locataire du 10 Downing Street. La Première ministre a en effet agité cette menace pour sortir de l'impasse et convaincre les députés conservateurs de la suivre, alors que le parti d'opposition travailliste fait la course en tête dans les sondages.
Le Labour pourrait également pousser pour l'organisation d'un second référendum, réclamé par de nombreux militants. Sauf que cette option a déjà été rejetée à deux reprises par le Parlement britannique. Theresa May elle-même y est totalement opposée, tandis que ce ne semble pas l'option privilégiée par Jeremy Corbyn.
Enfin, la possibilité d'une annulation pure et simple du Brexit fait partie des hypothèses, même si celle-ci est hautement improbable. Mais elle serait légale. En effet, selon Cour de justice européenne, le Royaume-Uni peut à tout moment décider de renoncer à quitter l'UE sans avoir besoin de l'aval des autres Etats membres.