Cameramen et photographes étaient massés depuis le petit matin devant une prison de Tokyo, objectifs pointés pour saisir l'image du jour. Mais lorsque l'ex-PDG de Nissan et Renault est enfin sorti, il était presque méconnaissable, vêtu de grosse toile, coiffé d'une casquette et le visage masqué.
Les choses ont commencé à frémir en milieu d'après-midi à la vue d'un chariot chargé de couvertures et valises poussé hors de la prison.
Les déclics des appareils photo se sont déchaînés, les objectifs ont zoomé quand des hommes ont commencé à empiler ces bagages dans un monospace noir garé juste devant les portes vitrées de l'établissement pénitentiaire.
S'agissait-il des effets personnels de M. Ghosn ? Et lui, où était-il ?
Soudain une file d'hommes en uniforme et casquette sombre, portant tous des masques hygiéniques blancs comme tant de Japonais en hiver, sont sortis du bâtiment. Une telle équipée laissait présager que M. Ghosn émergerait juste après.
Mais ce petit homme, coiffé d'une casquette bleu clair différente des autres et d'un ensemble de grosse toile plus foncé baré sur le haut de bandes réfléchissantes orange faisant penser à la tenue des ouvriers de voierie au Japon, qui était-ce ? Se pouvait-il que ce soit Carlos Ghosn ?
Le crépitement des appareils a alors redoublé d'intensité tandis que l'homme sortait calmement. Mais son visage était en grande partie dissimulé par un masque médical.
Une journaliste d'une télévision privée japonaise, qui venait d'annoncer en direct à l'antenne «bientôt M. Ghosn va sortir» a soudain été prise de doute et, l'air déconcerté, a lancé : «Est-ce bien lui, il lui ressemble, n'est-ce pas ?».
«Le déguisement de Ghosn»
Alors M. Ghosn a légèrement tourné la tête et ses yeux, reconnaissables entre tous, son regard perçant, sont apparus derrière de grosses lunettes à monture noire. Un coup d'oeil, un cliché, et nul doute n'était plus permis: le roi de l'automobile était bien sorti de prison.
Rien à voir avec l'homme qui sillonnait le monde en jet privé et qui, un jour, avait donné une somptueuse réception au château de Versailles. Sans costume, ses sourcils en accent circonflexe à nuls autres pareils cachés par la casquette et par les lunettes en plus du masque: la métamorphose était presque parfaite.
Les mains vides, M. Ghosn n'a rien dit que l'on puisse entendre en sortant du bâtiment.
Il n'a pas semblé prêter attention à la foule de journalistes massés plus loin alors qu'il se dirigeait vers une mini-fourgonnette gris clair métallisé, sur le toit de laquelle, comme pour compléter le tout, une échelle d'ouvrier était attachée.
L'homme, qui jusqu'à récemment dirigeait Nissan, Mitsubishi Motors et Renault, est alors monté à bord d'un mini-véhicule de marque Suzuki.
Une caméra a alors zoomé sur l'intérieur de la voiture. L'ex-grand patron avait la tête légèrement penchée contre sa main comme s'il voulait davantage encore dissimuler son visage. Point de signe de son épouse ni de sa fille aperçues plus tôt arrivant dans la prison.
Plusieurs policiers suivront sur des motocyclettes la fourgonnette qui file vers une destination inconnue.
Cette libération est sur tous les médias et la vue de cet ancien héros national autrefois adulé au Japon pour avoir sauvé Nissan sortant dans un accoutrement inattendu déclenche sur Twitter hilarité et perplexité.
«M. Ghosn habillé d'un bleu de travail s'offre un petit tour en mini-van», raille un utilisateur japonais de Twitter. «Le déguisement de Ghosn : ils n'auraient pas pu trouver mieux ?», demande un autre.