Les Estoniens vont aux urnes dimanche pour les législatives qui voient s'affronter traditionnellement le centre gauche et les libéraux, cette fois-ci défiés par un parti montant d'extrême droite qui surfe sur le mécontentement des zones rurales.
La campagne, plutôt terne, a porté sur des problèmes de tous les jours, tels les impôts et les salaires, ainsi que sur les tensions autour de l'enseignement en russe pour l'importante minorité russophone et la fracture entre les villes et les campagnes.
Quelque 40% des 880.690 électeurs inscrits ont profité du vote électronique anticipé. Les administrateurs du système ont affirmé que le vote en ligne résisterait à toute tentative d'ingérence.
Un sondage portant à la fois sur le vote électronique et sur les intentions de ceux qui doivent glisser leur bulletin dans l'urne dimanche annonce une compétition serrée.
Le parti Centre du Premier ministre Juri Ratas est crédité de 24,5% des intentions de vote, juste derrière les libéraux de la Réforme conduits par l'ancienne députée européenne Kaja Kallas, qui en obtiennent 26,6%.
Le parti d'extrême droite ERKE, qui promet de réduire l'impôt sur le revenu et les taxes, et développe le discours anti-migrants, devrait plus que doubler son score et arriver à 17,3%, mais aura probablement du mal à trouver des partenaires pour une coalition.
Cinq ou six partis au parlement
De toute manière, avec cinq ou six formations au parlement, la mise en place d'une coalition risque de s'avérer compliquée.
Le Centre et la Réforme, adversaires traditionnels, ont alterné au pouvoir et même gouverné parfois ensemble depuis que l'Estonie s'est affranchie de l'emprise soviétique.
Tous deux soutiennent l'UE et l'Otan ont bien maîtrisé la dépense publique, donnant à l'Estonie le plus bas ratio dette/PIB de la zone euro.
Le Centre s'est engagé à augmenter les retraites de 8,4% et à remplacer le taux unique d'impôt sur le revenu, qui est de 20%, par un système progressif à tranches pour augmenter les recettes de l'Etat.
La Réforme, plus proche des milieux d'affaires, voudrait augmenter la somme du revenu mensuel exemptée d'impôt et réduire la cotisation d'assurance chômage.
Le taux de chômage évolue au-dessous de 5%, tandis que la croissance devrait atteindre 2,7% cette année, après 3,9% en 2018.
Marilyn, patronne d'une petite entreprise de Tallinn, juge que les impôts actuels sont «difficiles à vivre avec» et par conséquent votera pour la Réforme.
Alexander, un ouvrier d'usine russophone, lui aussi réticent à citer son identité complète, réclame des hausses de salaire et de retraite.
«Il est impossible de survivre avec le salaire minimum» (de 540 euros par mois en Estonie), a-t-il dit à l'AFP à Tallinn.
Estxit
S'il part de loin, avec un score de 7% en 2015, le parti EKRE devrait arriver troisième, juste derrière les deux grandes formations.
Fermement eurosceptique, EKRE a appelé à un référendum sur un «Estxit», autrement dit sur la sortie de l'UE, mais ce projet n'a aucune chance de succès dans un pays très pro-européen et le but réel est plutôt de chercher à redéfinir les relations avec Bruxelles.
Les soupçons qu'il nourrit vis-à-vis de Moscou le rendent très atlantiste.
Pour le spécialiste en sciences politiques de l'université de Tallinn Tonis Saarts, la montée d'EKRE ressemble à celle d'autres partis d'extrême droite en Europe. Sa popularité, juge-t-il, vient de ses promesses de dépenses sociales généreuses et des ressentiments de la population rurale après des années d'austérité.
La minorité russe, soit un quart de la population estonienne de 1,3 million de personnes, se soucie surtout des promesses de campagne de la Réforme, de Pro Patria (centre droit) et d'EKRE visant à réduire l'enseignement en russe dans les écoles. Le Centre veut préserver le système actuel, hérité de l'URSS.
Le scrutin commence dimanche à 7H00 GMT et s'arrête à 18H00 GMT. Les premiers résultats officiels seront connus vers minuit.