De violents échanges d'artillerie ont opposé samedi les armées indienne et pakistanaise, faisant au moins sept morts des deux côtés de la frontière du Cachemire, en dépit de la libération d'un pilote indien qui a déclenché une guerre de propagande entre les deux voisins.
En 24 heures, deux soldats et deux civils ont été tués côté pakistanais, selon une source militaire. Côté indien, une femme et ses deux enfants ont trouvé la mort quand un obus de mortier a détruit leur maison.
Dans toute la région, les villageois se sont pressés dans des abris de fortune tandis que la police interdisait la circulation non essentielle sur les routes.
Douze civils au moins ont été tués depuis le début de la semaine des deux côtés de la frontière.
Vidéo «forcée»
Par ailleurs, une vidéo du pilote indien relâché vendredi par le Pakistan, dans laquelle il remerciait les autorités pakistanaises, a suscité samedi une vive colère en Inde, sur fond de guerre de propagande après qu'Islamabad eut présenté cette libération comme un «geste de paix» dans cette nouvelle crise autour du Cachemire.
Le lieutenant-colonel Abhinandan Varthaman, dont le Mig-21 avait été abattu mercredi alors qu'il poursuivait des chasseurs pakistanais au-dessus du Cachemire, avait traversé à pied tard vendredi le poste-frontière de Wagah avec plusieurs heures de retard sur le programme annoncé.
Sa capture était devenue un point de fixation dans les hostilités entre les deux puissances nucléaires, déclenchées par l'attentat-suicide qui a tué le 14 février 40 paramilitaires indiens au Cachemire.
Abhinandan Varthaman, qui s'était éjecté de son appareil et qui avait été pris à partie par la foule côté pakistanais, semblait avoir un oeil au beurre noir quand il a regagné l'Inde. Il a aussitôt été conduit pour des examens médicaux avant un debriefing avec les services militaires et de renseignement.
Selon les médias indiens, le retour du pilote -- fêté comme un véritable héros dans son pays -- a été retardé car on l'a «forcé» à accepter cette vidéo pour sa libération.
Le militaire y remercie l'armée pakistanaise pour son professionnalisme et pour l'avoir sauvé de la foule. Il accuse les médias indiens d'entretenir une hystérie guerrière entre les deux pays.
La vidéo a été largement diffusée par les militaires pakistanais.
Un ancien chef de gouvernement de l'Etat indien de Jammu et Cachemire, Omar Abdullah, a estimé que la vidéo entachait le geste du Pakistan de rendre le pilote aussi rapidement. Islamabad avait présenté cette libération comme un «geste de paix».
Le pilote a été «contraint d'enregistrer (la vidéo) juste avant que vous ne nous le rendiez», a accusé Abdullah sur Twitter.
Les médias indiens ont qualifié pour leur part ce document de «détestable», violant les normes internationales sur les prisonniers de guerre. Les réseaux sociaux en Inde fustigeaient également la vidéo.
Rhétorique guerrière
Le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, a assuré que son pays n'avait été motivé que par la prudence en libérant le pilote. Aucune «contrainte» ou «pression» n'ont été exercées sur le pays. «Nous ne voulons que la paix», a-t-il insisté.
Plusieurs centaines de milliers de Pakistanais ont signé deux pétitions en ligne demandant que leur Premier ministre, Imran Khan, soit nominé pour le prochain prix Nobel de la paix après ses décisions et déclarations apaisantes dans la crise avec l'Inde.
Le hashtag #NobelPeaceForImranKhan (#NobelDeLaPaixPourImranKhan) est d'ailleurs devenu viral sur Twitter.
Si les médias pakistanais saluaient la libération du pilote pour apaiser la tension avec l'Inde, certains reproches se faisaient entendre sur les réseaux sociaux.
«Pas une bonne idée. Cela va se retourner» contre le Pakistan, a estimé Gul Bukhari, un critique en vue du gouvernement et des militaires.
A New Delhi, le Premier ministre nationaliste Narendra Modi, qui briguera au printemps un second mandat, a mis au défi samedi quiconque «oserait menacer» l'«Inde nouvelle, sans peur et déterminée».
M. Modi a par ailleurs regretté que l'Inde n'ait pu acquérir des avions de chasse Rafale qu'il souhaitait acheter à la France, estimant que «le résultat des récents accrochages avec le Pakistan aurait pu être différents» si le contrat avait été honoré.
Ce contrat a été au centre d'un tollé politique ces derniers mois en Inde en raison de soupçons de corruption et de trafic d'influence qui entourent la vente de 36 Rafale à l'Inde en 2016 par le constructeur français Dassault Aviation.
Sur le plan diplomatique, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Joubeir, était attendu dimanche à Islamabad, avant de se rendre en Inde, afin de tenter d'apaiser les tensions. L'Arabie saoudite, qui a offert ses bons offices pour mettre fin aux hostilités, est un allié proche du Pakistan.