Des chercheurs ont découvert des fragments de plastique dans les entrailles de mini-crustacés vivant à près de 11 km de profondeur, selon une étude publiée ce mercredi 27 février dans la revue Royal Society Open Science. Preuve que, désormais, plus aucun écosystème n'est épargné par ce type de pollution.
Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont disséqué 90 spécimens d'amphipodes Lysianassidés, des sortes de minuscules crevettes, récoltés entre 2008 et 2017 au fond de six des plus profondes fosses de l'océan Pacifique, à l'aide de pièges posés par des véhicules sous-marins.
Résultat, l'ensemble des sites étudiés, que l'on pensait pourtant préservés car inaccessibles, sont pollués au plastique (nylon, polyéthylène, PVC, soie synthétique...). Dans le détail, 65 crustacés sur 90 (plus de 72%) contiennent au moins une microparticule, rapporte l'étude de la revue scientifique. Et plus on va en profondeur, plus le taux de contamination est élevé. En effet, à 7 000 mètres, dans le fosse des des Nouvelles-Hébrides, 50 % des spécimens collectés ont ingéré du plastique, contre 100 % chez ceux capturés à près de de 11 000 mètres dans la fosse des Mariannes, la plus profonde connue.
300 millions de tonnes de plastique produites chaque année
«Une partie de moi s'attendait à trouver quelque chose, mais pas au point d'avoir 100 % des individus du lieu le plus profond du monde ayant des fibres dans leurs entrailles. C'est énorme», explique l'un des auteurs de l'étude, Alan Jamieson, chercheur en écologie marine à l'université britannique de Newcastle.
Plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont une partie se retrouvent dans l'océan. Selon des estimations scientifiques, environ 5 000 milliards de morceaux de plastique pesant plus de 250 000 tonnes flottent à la surface de l'eau, mais la matière finit par se dégrader en microparticules qui coulent au fond des mers.
Un risque pour la santé des organismes vivants
Jusque-là, de précédentes études avaient mis en évidence la présence de microplastiques dans des sédiments marins à près de 7 000 mètres près de la fosse des Kouriles, et dans des organismes vivant à 2 200 mètres de profondeur dans l'Atlantique Nord. «Cette étude fait état du record de la plus profonde ingestion de microplastique», signalent ainsi ses auteurs.
Même si les conséquences pour les espèces vivant dans les profondeurs des océans ne sont pas connues, le pire est à craindre. Il y a en effet un risque que les fragments de plastique restent bloqués dans leur organisme. «C'est comme si vous avaliez une corde de polypropylène de 2 mètres et que vous espériez que ça n'ait pas d'impact sur votre santé», commente Alan Jamieson. Et une fois entrés dans la chaîne alimentaire, «il y a une forte probabilité» d'un «cycle perpétuel» de transfert de ces microplastiques d'un animal à son prédateur.