Le cardinal australien George Pell, numéro trois du Vatican, a été reconnu coupable d'agression sexuelle sur mineur, devenant ainsi le plus haut responsable de l'Eglise catholique condamné dans une affaire de pédophilie, a annoncé mardi un tribunal australien.
Cette condamnation est une nouvelle gifle pour une Eglise catholique qui peine à convaincre du sérieux de sa réponse face à la gravité et l'ampleur des crimes pédophiles dans ses rangs.
Le tribunal de Melbourne (sud) a déclaré le cardinal Pell, 77 ans, coupable d'un chef d'agression sexuelle et de quatre chefs d'attentat à la pudeur contre deux enfants de choeur alors âgés de 12 et 13 ans, des faits commis dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne dans les années 1990.
Le prélat, qui est demeuré libre sous caution, a toujours rejeté ces accusations. Le jury n'était pas parvenu à une décision lors d'un premier procès en septembre. Mais le cardinal a cependant été déclaré coupable lors d'un nouveau procès le 11 décembre.
Le tribunal de Melbourne avait cependant pris en mai 2018 une «ordonnance de suppression» (suppressing order) qui interdisait aux médias toute couverture des débats et même la simple mention de l'existence de cette affaire, sous peine de poursuites.
Cette «obligation de silence» avait été imposée dans le but de protéger le jury d'un second procès lors duquel le cardinal Pell devait initialement être jugé pour d'autres faits présumés.
Mais l'accusation a décidé de renoncer à cette seconde série de poursuites, ce qui a eu pour conséquence de lever mardi le blackout médiatique sur la première affaire, autorisant les médias à annoncer le verdict de culpabilité.
Impassible à l'audience
La peine à laquelle le cardinal sera condamné n'a pas encore été fixée. Une nouvelle audience est prévue mercredi, à l'issue de laquelle George Pell pourrait être placé en détention.
Les avocats du cardinal ont d'ores et déjà annoncé à l'AFP son intention de faire appel.
Vêtu d'une veste beige sur une chemise noire fermée par un col romain, George Pell est resté impassible lors de l'audience de mardi.
Le cardinal, qui avait pris congé de ses fonctions au Vatican pour se défendre, reste cependant sur le papier à la tête du secrétariat pour l'économie du Saint-Siège, soit le numéro trois du Vatican.
Le Vatican avait toutefois annoncé le 12 décembre, au lendemain de la condamnation encore secrète de George Pell, que ce dernier était écarté du prestigieux conseil de neuf cardinaux-conseillers de tous les continents, baptisé «C9», chargé d'aider le pape François à réformer l'administration du Saint-Siège.
L'annonce de la condamnation de l'ex-archevêque de Sydney et Melbourne intervient deux jours après la fin d'un important et inédit sommet, au Vatican, pour lutter contre les agressions sexuelles de mineurs perpétrées par des membres du clergé.
«Aucun abus ne doit jamais être couvert, comme ce fut le cas par le passé, et sous-évalué», a déclaré dimanche le pape argentin comparant les victimes d'agressions sexuelles aux «êtres humains» soumis «au sacrifice de rites païens».
«Il s'agit de crimes abominables qui doivent disparaître de la face de la terre», a-t-il dit.
Mais les détracteurs de l'institution continuent de déplorer la faiblesse de sa réponse face à l'ampleur du problème, certains parlant d'«un blabla pastoral».
Une voix très écoutée
Les médias australiens avaient vivement protesté contre le blackout qui était imposé à tous les organes de presse.
Après la condamnation de M. Pell en décembre, certains médias étrangers avaient fait état du verdict, et des journaux australiens avaient publié en «une» l'information selon laquelle une personne connue avait été condamnée pour des crimes graves mais qu'ils n'étaient pas en mesure d'en dire plus.
Le juge avait contre-attaqué en menaçant les groupes de presse de poursuites passibles de cinq années de prison et de demandes d'extradition dans le cas de médias étrangers.
Dans son pays, l'inculpation de George Pell avait suscité la consternation car le prélat, qui recueillait naguère les louanges des plus hautes autorités du pays, était une voix très écoutée dans le camp conservateur, sur des sujets aussi variés que le mariage gay ou le réchauffement climatique.
Cette inculpation avait coïncidé avec la fin d'une longue enquête officielle sur les réponses institutionnelles apportées en Australie aux abus sexuels commis sur des enfants.
La commission d'enquête royale avait recueilli des témoignages éprouvants de milliers de victimes de pédophiles dans les églises, les orphelinats, les clubs de sport, les organisations de jeunesses et les écoles.
Le cardinal Pell avait été entendu trois fois dans ce cadre et avait reconnu avoir «failli» dans sa gestion des prêtres pédophiles dans l'Etat de Victoria au cours des années 1970.
La commission d'enquête avait conclu que les institutions australiennes avaient «gravement manqué à leurs devoirs» envers les enfants pendant des décennies. Et en octobre, le Premier ministre Scott Morrison a présenté les excuses de l'Australie pour avoir échoué à protéger les plus jeunes.
La justice a par ailleurs annulé en décembre la condamnation à un an de prison de l'ancien archevêque d'Adélaïde (sud) Philip Wilson pour avoir couvert des agressions pédophiles.
Le prélat avait été reconnu coupable en mai d'avoir dissimulé les agressions commises dans les années 1970 par Jim Fletcher, prêtre pédophile notoire, en s'abstenant de dénoncer les accusations portées contre lui.