Le train de Kim Jong-un est arrivé samedi soir en Chine, à quatre jours du deuxième sommet prévu entre le dirigeant nord-coréen et Donald Trump au Vietnam, mais rien ne permettait d'affirmer que l'homme fort de Pyongyang se trouvait bien à bord.
Le convoi a traversé après 21h le pont qui relie la Corée du Nord à la ville chinoise de Dandong, ont rapporté l'agence de presse sud-coréenne Yonhap et le site spécialisé NK News, alors que les journalistes présents sur place étaient empêchés par les forces de l'ordre d'approcher de la voie ferrée.
Les occupants d'un hôtel donnant sur le pont ont dû quitter les lieux dès vendredi, en raison de «travaux de rénovation» impromptus.
L'arrivée du train en Chine fait suite à des spéculations entourant les préparatifs de la rencontre américano-nord-coréenne prévue mercredi et jeudi à Hanoï.
Pyongyang n'a pas même confirmé la participation du jeune dirigeant au sommet avec le président américain, le deuxième entre les deux hommes depuis leur face-à-face historique de Singapour en juin dernier.
Mais plusieurs sources vietnamiennes ont indiqué en privé que Kim Jong-un, dont les déplacements ne sont jamais annoncés officiellement à l'avance, arriverait par le train jusqu'à la gare de Dong Dang, frontalière de la Chine, avant de gagner Hanoï par la route.
Samedi, des journalistes de l'AFP ont vu des militaires vietnamiens déployés à la gare ainsi que le long de la route conduisant à la capitale, distante de 170 km. Les autorités ont déjà annoncé la fermeture de cette route à compter de mardi entre 6H00 et 14H00 locales, laissant supposer que le dirigeant nord-coréen l'emprunterait à ce moment-là.
Le ministère vietnamien des Affaires étrangères a par ailleurs annoncé samedi que Kim Jong-un effectuerait «dans les prochains jours» une visite officielle dans le pays, mais sans fournir de dates exactes.
Voyager en train depuis Pyongyang serait pour Kim Jong-un une odyssée de près de 4.000 km du nord au sud de la Chine, soit plus de 60 heures pour un convoi blindé qui dépasse péniblement les 60 kmh.
Kim Jong-un pourrait aussi l'emprunter pour son voyage de retour, ce qui lui permettrait de s'arrêter à Pékin afin de s'entretenir avec le président chinois Xi Jinping de la teneur de ses entretiens avec Donald Trump.
Dans les roues du grand-père
Pour le sommet de Singapour, M. Kim avait voyagé à bord d'un avion chinois. Il s'était rendu à Pékin une semaine plus tard pour rencontrer M. Xi.
Prendre le train permettrait cette fois au dirigeant nord-coréen de marquer son «indépendance» à l'endroit de Pékin, estime Jeong Young-tae, de l'Institut d'études nord-coréennes à Séoul.
Mais le voyage pourrait s'avérer un cauchemar logistique pour les Chinois.
«Il faudra nettoyer les voies, assurer la sécurité pratiquement tout le long du trajet», observe Justin Hastings, professeur de relations internationales à l'Université de Sydney.
Mais Pékin pourrait accepter des perturbations à son réseau ferroviaire si cela permet d'améliorer les relations entre son turbulent voisin et les Etats-Unis.
"La Chine veut que la Corée du Nord avance vers sa dénucléarisation tout autant que les autres pays", estime-t-il.
Après une grave dégradation du fait des essais nucléaires nord-coréens, les relations entre Pyongyang et Pékin se sont spectaculairement réchauffées l'an dernier avec l'annonce de la fin des essais atomiques du régime stalinien.
La Chine, seule alliée de Pyongyang, plaide pour une levée progressive des sanctions internationales qui pèsent sur le régime nord-coréen, tout en continuant à réclamer une dénucléarisation complète du pays.
C'est ce point qui sera également le plus attendu de la rencontre Kim-Trump. Lors de leur sommet de Singapour, les deux hommes se sont mis d'accord sur une vague déclaration en faveur de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, mais les négociations n'ont guère progressé sur ce que cela signifie concrètement.
En attendant, prendre le train aurait aussi une portée symbolique pour Kim Jong-un : cela lui fait reprendre la tradition de son grand-père Kim Il Sung et de son père Kim Jong Il, qui avait encore voyagé jusqu'à Moscou en train en 2001.
«C'est un message adressé aux Nord-Coréens, à savoir que Kim Jong-un a hérité des qualités de son grand-père et que la dynastie des Kim est plus forte que jamais», analyse Koh Yu-hwan, de l'Université Dongguk à Séoul.