Parents, amis, émissaires de Nantes, Bordeaux et Cardiff, habitants de Progreso, le village qui a vu grandir Emiliano Sala, sont venus samedi par centaines s'incliner, pleurer, poser une main sur le cercueil du footballeur fauché en pleine ascension, alors qu'il s'apprêtait à réaliser son rêve de jouer en Premier League.
Dans le gymnase du club de San Martin, son premier club, où il a joué dix ans, une chapelle a été improvisée. Le cercueil était recouvert de fleurs et d'un drapeau rouge et noir, les couleurs de San Martin. Derrière le cercueil, une photo de deux mètres de haut du joueur avec le maillot du FC Nantes, une main sur le coeur.
A la fin de l'hommage, les enfants en tenue du club ont formé deux haies d'honneur vers le corbillard. Nicolas Pallois, joueur de Nantes, le frère, le père et des amis d'Emiliano Sala portaient le cercueil. Pendant plusieurs minutes, des applaudissements ont retenti, jusqu'à ce que le convoi quitte Progreso pour le Crématorium.
Depuis que le petit avion privé qui transportait le joueur de 28 ans entre Nantes et Cardiff a disparu le 21 janvier, le village de 3.000 habitants retient sa respiration, ses habitants s'excusent parfois de rire. Extirpé de l'épave, avant d'être identifié, le corps de Sala a été rapatrié en Argentine vendredi. La dépouille du pilote n'a toujours pas été retrouvée.
«Tu ne marcheras jamais seul»
«C'est dur de voir son cercueil», lâche, ému, le maire de Progreso, Julio Muller. «Il représentait beaucoup pour nous, c'était un garçon impeccable. Ici, on adore le foot et c'était le seul à avoir pu devenir un joueur professionnel. Et en Europe ! Alors il faisait l'admiration de tous.»
Devant le siège du club San Martin, une banderole dit : «Emi, tu ne marcheras jamais seul», reprenant le mot d'ordre du club de Liverpool. Marcelo Vada, son entraîneur en Argentine de 15 à 20 ans, aujourd'hui entraîneur des U17 à Bordeaux, a les yeux rougis par les larmes. «Je suis détruit. Ce n'est pas un footballeur à qui je viens rendre hommage, mais à un homme extraordinaire, un guerrier».
«Emi c'était un peu comme mon fils, il a vécu à la maison. La veille de sa mort, se souvient-il, il m'a appelé pour m'inviter au match contre Arsenal, en me promettant de m'offrir son maillot.»
A 84 ans, Nilda Perret a bravé la chaleur de l'été austral pour s'incliner sur le cercueil. «Depuis tout petit, il m'appelait +Lela+, il jouait avec mes petits enfants aux cow-boys. Dernièrement on communiquait par Facebook. Ça fait 25 jours que nous vivons avec cette douleur. Et 25 jours que je pleure, il était tellement vivant.»
Alcides Ribero, un producteur laitier de 73 ans, ressort du gymnase en épongeant son crâne chauve. «C'était important de venir lui dire adieu, c'est un coup très dur pour le village, il avait tout fait pour se faire aimer. J'ai posé une main sur le cercueil...», dit-il, interrompu par l'émotion.
«C'était très émouvant, tout le village est venu et des gens ont fait le déplacement de toute la province», confie Rosa Lezcano, 50 ans, qui allait à l'école avec la mère du footballeur. «A Progreso, on se souvient d'Emi à bicyclette, de ses footings, de ses buts. Quand il marquait dans le championnat de France, le défi permanent était de dénicher une vidéo de l'action de but.»
«C'était mon joueur»
Nicolas Silva, joueur du club de Banfield, regrette de ne pas pouvoir se rendre à Progreso : «Pendant deux saisons, 2008 et 2009, nous avons été prêtés ensemble au club de Juventud Guadalupe par Proyecto Crecer (l'académie des Girondins de Bordeaux en Argentine, NDLR). Nous habitions dans la même maison, avec d'autres jeunes footballeurs. C'était un crack. Il était au-dessus du lot».
«Quand on terminait l'entraînement, on restait, je centrais et il travaillait son efficacité devant le but. Il disait toujours: +si tu as du mal, entraîne-toi deux fois plus+», se souvient-il. L'entraîneur de Cardiff Neil Warnock a fait le voyage pour présenter ses condoléances à la famille. Même s'il n'a jamais joué pour Cardiff, «c'était mon joueur, souligne-t-il, je l'avais fait signer. Nous avons eu deux ou trois conversations, et il m'avait dit qu'il marquerait les buts qui nous maintiendraient en Premier League».