Donald Trump est de retour mardi devant le Congrès pour une allocution solennelle qui lui offre l'occasion de prendre de la hauteur. Mais le climat politique délétère à Washington et son projet de mur controversé le placent en position difficile.
Pour ce traditionnel discours en prime time sur «l'état de l'Union», le tempétueux président américain a promis un appel à l'unité et une tonalité résolument optimiste.
A 21 mois de l'élection présidentielle, où il entend briguer un second mandat de quatre ans, il devra naviguer entre sa volonté affichée de se poser en rassembleur et son instinct le poussant à galvaniser sa base, provocations à l'appui.
Une image, chargée en symboles, pourrait résumer la difficulté de l'exercice: lorsqu'il prendra la parole devant les élus au grand complet, Nancy Pelosi, nouvelle «Speaker» de la Chambre des représentants, sera, suivant la tradition, assise derrière lui, dans le champ des caméras.
Or l'élue démocrate de San Francisco, vent debout contre son projet de mur à la frontière avec le Mexique, vient de lui infliger une cuisante défaite politique. Et l'image d'habile négociateur que le magnat de l'immobilier aime mettre en avant a été sérieusement écornée.
Après des semaines d'une étrange partie de «poker menteur», Donald Trump a cédé face à ses adversaires politiques et mis fin au «shutdown» en signant une loi de financement (temporaire) de l'Etat fédéral sans avoir obtenu le moindre dollar pour son projet emblématique de lutte contre l'immigration clandestine.
Comme l'an dernier, où il avait gardé les yeux sur les téléprompteurs et avait adopté un ton plutôt conciliant, Donald Trump devrait se tenir éloigné de l'agressivité de ses tweets quotidiens.
«Ensemble, nous pouvons mettre fin à des décennies de blocage politique, guérir les blessures anciennes, construire de nouvelles coalitions, esquisser de nouvelles solutions», devrait-il affirmer selon des extraits diffusés par la Maison Blanche.
Mais, sur le fond, quelle sera la tonalité du reste du texte ? Relancera-t-il avec virulence le débat sur l'immigration ? Profitera-t-il de l'occasion, comme il l'a laissé entendre, pour déclarer une «urgence nationale», procédure exceptionnelle qui lui permettrait de contourner le Congrès pour financer le mur qu'il veut ériger à la frontière avec le Mexique ?
Venezuela en bonne place
S'il devrait mettre en avant de bons chiffres économiques et un marché du travail extrêmement dynamique, le chapitre consacré à la politique étrangère pourrait lui valoir des applaudissements moins nourris dans son camp. Des dissensions s'expriment désormais au grand jour chez les républicains, en particulier sur le retrait, jugé précipité par certains, des troupes américaines de Syrie.
Le président américain pourrait aussi profiter de ce rendez-vous pour annoncer le lieu et la date de son prochain sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avec lequel il existe, assure-t-il, «une incroyable alchimie».
Au-delà du discours lui-même, ce rendez-vous annuel très prisé du tout-Washington est aussi scruté à la loupe : les applaudissements ou les silences, l'attitude des nouveaux élus.
Or Donald Trump s'exprimera aussi devant un nouveau Congrès qui bat tous les records de diversité dans l'histoire américaine : 127 femmes, plus de 50 élus afro-américains.
Et les jeunes élus présents dans la salle pourraient, d'une manière ou d'une autre, se faire entendre, à l'image d'Alexandria Ocasio-Cortez, benjamine du Congrès américain au verbe haut.
L'élue de 29 ans a convié Ana Maria Archila, jeune femme qui avait protesté avec virulence, dans les couloirs du Congrès, contre la nomination à la Cour suprême du juge conservateur Brett Kavanaugh, accusé d'agression sexuelle.
La Nobel de la paix Nadia Murad, ex-esclave des jihadistes en Irak et membre de la minorité yazidie, fera également partie des invités.
Le sénateur Marco Rubio a décidé d'offrir une place dans la vénérable enceinte à l'opposant vénézuélien Carlos Vecchio, nommé nouveau chargé d'affaires du Venezuela aux Etats-Unis par Juan Guaido, autoproclamé président par intérim.
C'est une femme noire qui sera chargé donner au nom des démocrates la réplique au président, juste après son discours.
Figure montante de son parti, Stacey Abrams, 45 ans, ne détient aucun mandat électif. Elle a échoué de peu, en Géorgie en novembre, dans sa quête pour devenir la première gouverneure afro-américaine.