Des milliers d'ouvriers du textile au Bangladesh qui confectionnent des vêtements pour les enseignes d'habillement mondiales ont débrayé dimanche et manifesté pour réclamer de meilleurs salaires, dans le cadre d'un mouvement entamé il y a une semaine.
La police a indiqué avoir utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène pour disperser la foule d'ouvriers en grève à Savar, un faubourg de Dacca où s'était produit l'effondrement du complexe textile du Rana Plaza, l'une des pires catastrophes industrielles au monde, qui avait tué plus de 1.130 personnes le 24 avril 2013.
«Les ouvriers ont dressé des barricades sur l'autoroute, nous avons dû les faire partir pour faciliter la circulation», a indiqué à l'AFP un responsable de la police, Sana Shaminur Rahman. «Jusqu'à présent 52 usines, pour certaines importantes, ont cessé leur activité à cause des manifestations», a-t-il dit.
Depuis sept jours, les ouvriers du textile manifestent pour réclamer une hausse des salaires, un mouvement émaillé de violences et qui a conduit des usines à fermer.
Mardi, un ouvrier avait été tué et 50 blessés au cours de manifestations qui avaient rassemblé quelque 5.000 personnes à Dacca et sa banlieue, lorsque la police avait fait usage de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène.
95 dollars par mois
Le dirigeant syndical Aminul Islam a accusé les propriétaires des usines de recourir à la violence contre les grévistes.
Les ouvriers mobilisés «sont plus unis que jamais», a-t-il dit à l'AFP, estimant qu'ils «ne quitteront pas la rue tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites».
Les salaires minimum pour les ouvriers les plus mal payés ont augmenté d'un peu plus de 50% ce mois-ci, pour atteindre 8.000 taka (83 euros, 95 dollars) par mois.
Mais les ouvriers intermédiaires se plaignent de n'avoir eu qu'une augmentation dérisoire au regard de l'augmentation du coût de la vie, notamment celui du logement.
Dimanche soir, le gouvernement a annoncé une hausse des salaires pour ces derniers, après une rencontre entre dirigeants d'usines et syndicats. Tous les syndicats n'ont pas dit s'ils soutenaient l'accord.
Babul Akhter, un responsable syndical présent à cette réunion, a estimé que l'accord devrait satisfaire les grévistes. «Ils ne devraient pas le rejeter, et devraient calmement retourner au travail», a-t-il dit à l'AFP.
Le mouvement de protestation est le premier test d'ampleur pour la Première ministre Sheikh Hasina depuis sa victoire aux élections du 30 décembre marquées par des violences et des accusations de fraudes, pour un quatrième mandat.
La Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association (BGMEA), puissant regroupement d'industriels, a averti que toutes les usines pourraient fermer si les ouvriers ne retournaient pas immédiatement travailler.
L'économie du Bangladesh, pays de 165 millions d'habitants, repose largement sur l'industrie textile. Des millions d'ouvriers sont employés à bas coût dans quelque 4.500 ateliers, fabriquant à tour de bras des vêtements pour les distributeurs occidentaux comme H&M, Primark, Walmart, Tesco, Carrefour et Aldi.
Les 30 milliards de dollars d'exportations du secteur textile représentent 80% des exportations totales du pays.
Le Bangladesh est le deuxième exportateur de vêtements après la Chine et ambitionne de développer encore ce secteur pour en faire une industrie pesant 50 milliards de dollars par an d'ici 2023.
Outre la faiblesse des salaires, l'industrie textile au Bangladesh est aussi connue pour les mauvaises conditions de sécurité dans lesquelles travaillent ses ouvriers, mises en lumière par la catastrophe du Rana Plaza.
Ce drame avait suscité un émoi planétaire et braqué les projecteurs sur la face sombre de la sous-traitance des grandes marques occidentales, conséquence de la course à la diminution des coûts de production dans une économie mondialisée.
Depuis cette catastrophe, les membres de la Bangladesh Garment Manufacturers and Exporters Association (BGMEA) ont investi un milliard de dollars pour améliorer la sécurité, selon ce groupement.