Les rebelles yéménites ont commencé à se retirer samedi du port de Hodeida, une ville clé de l'ouest du pays, a indiqué un responsable de l'ONU, mais les forces pro-gouvernementales ont dit douter de ces informations.
Ce responsable onusien a précisé, sous couvert de l'anonymat, que les rebelles Houthis avaient commencé à quitter le port dès minuit (vendredi 21H00 GMT), en application d'un accord conclu avec le pouvoir début décembre.
Les Houthis ont commencé «la première phase de redéploiement (en se retirant) du port de Hodeida», a confirmé un responsable rebelle à l'agence de presse Saba contrôlée par les rebelles. Ces derniers ont organisé une cérémonie à cette occasion, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Mais un officiel pro-gouvernemental a fait part à l'AFP de la «surprise» des loyalistes. «A qui ont-ils (les rebelles, ndlr) confié le port, et comment», a-t-il demandé rhétoriquement. «Les Houthis ont profité de leur contrôle de Hodeida pur placer leurs combattants dans la marine et les gardes-côtes, ce qui est une source d'inquiétude pour le gouvernement légitime», a-t-il ajouté.
Dans un communiqué transmis par l'agence Saba, un autre officiel pro-gouvernemental a estimé qu'il s'agissait «d'une tentative transparente pour modifier le sens de l'accord» obtenu au début du mois en Suède. Cet accord parrainé par l'ONU prévoit une trêve qui est déjà entrée en vigueur le 18 décembre à Hodeida, principal front du conflit et point d'entrée de l'essentiel des importations du pays et des aides humanitaires.
La ville est contrôlée depuis 2014 par les Houthis contre lesquels les forces gouvernementales avaient mené une offensive pour tenter de reprendre la cité.
Les forces progouvernementales sont ainsi tenus de se retirer des parties de la ville qu'elles ont conquises.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé la semaine dernière d'envoyer des observateurs civils au Yémen pour notamment sécuriser le fonctionnement du port stratégique de Hodeida et superviser l'évacuation des combattants de cette ville.
Le chef des observateurs de l'ONU au Yémen, le général néerlandais à la retraite Patrick Cammaert, a présidé cette semaine la première réunion du comité mixte (rebelles-gouvernement) chargé de mettre en oeuvre la trêve mais aussi le retrait des combattants des ports de Hodeida, de Salif et de Ras Issa, dans la même province.
Selon l'ONU, ce comité a discuté «de la première phase d'implantation de l'accord basé sur le cessez-le-feu et des mesures de confiance pour permettre de distribuer l'aide humanitaire et un redéploiement (des belligérants)».
Une nouvelle réunion de ce comité est prévue le 1er janvier afin de discuter d'un retrait complet, a précisé l'ONU dans un communiqué.
L'ONU a également affirmé qu'un convoi d'aide humanitaire devrait partir de Hodeida samedi, en direction de la capitale Sanaa aux mains des rebelles.
Mais les rebelles Houthis n'ont pas autorisé le convoi, qui transportait 32 tonnes de farine, à quitter samedi le port de Hodeida, selon un communiqué de la coalition menée par Ryad, cité par l'agence de presse saoudienne Spa.
De leur côté, les rebelles ont affirmé dans un communiqué qu'ils bloquaient la route menant à Sanaa «parce que la partie opposée ne s'est pas retirée» de Hodeida.
Trêve fragile
Mais la trêve reste fragile: dans les faits, les combats, escarmouches et autres échanges de tirs n'ont pas réellement cessé depuis son entrée en vigueur alors que les deux parties s'accusent mutuellement de la violer.
Un habitant de Hodeida a indiqué samedi à l'AFP par téléphone que les forces loyalistes et les rebelles avaient brièvement échangé des tirs durant la nuit. Il a précisé avoir entendu les avions de la coalition samedi matin.
Outre le cessez-le-feu, l'accord de Suède prévoit un échange de quelque 15.000 prisonniers ainsi que des mesures pour faciliter l'acheminement de l'aide à Taëz (sud-ouest), ville aux mains des loyalistes et assiégée par la rébellion.
Les pourparlers inter-yéménites doivent reprendre fin janvier. L'aéroport de Sanaa, fermé depuis presque trois ans aux vols commerciaux, sera au centre de ces discussions, selon l'émissaire de l'ONU au Yémen, Martin Griffiths.
La guerre entre les rebelles Houthis chiites, soutenus par l'Iran, et les troupes loyales au président Abd Rabbo Mansour Hadi, s'est intensifiée en mars 2015 avec l'intervention de la coalition militaire sous commandement saoudien aux côtés des progouvernementaux.
Le conflit au Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, a fait au moins 10.000 morts depuis 2015 et provoqué la pire crise humanitaire au monde et jusqu'à 20 millions de personnes sont «en situation d'insécurité alimentaire», selon l'ONU.