Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
Quelques notes glanées tout au long de ces derniers jours avant la trêve des confiseurs. Cette jolie expression, jolie parce que désuète, a-t-elle encore un sens ? Y aurait-il encore une «trêve» ? Et les «confiseurs», existent-ils encore ?
JEUDI 13 DÉCEMBRE
Trois membres de la Brigade spécialisée de terrain de Strasbourg abattent le terroriste Chérif Chekatt dans la rue du Lazaret. Ces trois hommes vont rester anonymes. Sans doute craint-on qu’ils subissent des représailles ? C’est tout de même ahurissant : désormais, il faut cacher les héros. Certes, dans la rue, aussitôt après la fusillade, des passants ont applaudi la police. Mais ces membres de la BST, qui sont-ils ? Comment vivent-ils l’exercice de leur métier ? On aurait aimé les connaître, les questionner, et peut-être les féliciter un peu plus – mais non, il faut les protéger. Le monde à l’envers.
Ce même jour, à Paris, on s’offusque d’une immense publicité qui montre le bas du dos d’une femme, autant dire une paire de fesses. C’est trop sexiste, c’est une insulte à la femme, au féminisme. Irritante, cette pub ? Je l’ignore. Et si l’on prenait la peine d’effectuer un sondage sérieux auprès des Françaises de tous âges et de toutes convictions pour leur demander pourquoi ce qui ne les irritait pas il y a dix ou vingt ans les irrite tant aujourd’hui ? La société française serait-elle en train de se plier à la loi de ce que l’on peut appeler les «minorités actives» ?
MERCREDI 19 DÉCEMBRE
Donald Trump est-il, oui ou non, en difficulté ? A en croire une majorité des médias américains et une grande partie du personnel politique de Washington, tous bords confondus, l’agrégation de problèmes (son avocat en prison, la certitude d’une ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, les imbroglios financiers…) et la perspective d’une nouvelle Chambre des représentants le 3 janvier prochain, qui lui sera hostile, cela fait beaucoup. Impavide, «Orange Man» insiste pour que soit construit son mur à la frontière mexicaine.
Quand je parle avec des Américains, ils expriment leur immense déception. Mais ils n’appartiennent pas à la masse blanche et conservatrice de l’Amérique profonde, le «pays réel». Avant de faire un pronostic quelconque sur l’avenir du 45e président des Etats-Unis, il serait, là encore, utile de sonder les «rednecks», les fermiers, les routiers, les «petites gens», du Sud, du Sud-Ouest, du Midwest. Leur vérité est différente.
Ce mercredi est aussi le jour anniversaire du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Il faut lire, relire, re-relire, et presque apprendre par cœur le discours que prononça André Malraux, dans le vent glacé de cet hiver 1964, sous les yeux d’un De Gaulle plus marmoréen que de coutume. Ce n’est pas seulement l’éloquence, le choix des mots, la construction du texte, avec son ouverture et son final, que je retiens et dont je me souviendrai toujours. Il y a aussi cette voix singulière, ce ton, que certains qualifièrent de grandiloquent, mais qui me fit frissonner. «Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France…»
SAMEDI 22 DÉCEMBRE
Demain, ce sera la dernière représentation du spectacle Trintignant Mille Piazzolla au théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. Tout est à retenir de cette émouvante démonstration de poésie et de musique. La force de Trintignant, entre autres, est d’avoir réussi à faire se marier le tango argentin et les mots de Jacques Prévert ou de Boris Vian, de sorte qu’il s’agit d’un tout. Si vous trouvez une place, ne ratez pas un tel aboutissement artistique.
Je vous souhaite un Noël serein et pacifié, un nouvel an porteur d’espoir.