L'envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a réclamé vendredi au Conseil de sécurité le déploiement d'observateurs internationaux au plus vite dans la ville portuaire yéménite de Hodeida, où de premiers affrontements ont été signalés dans la soirée malgré le cessez-le-feu conclu jeudi.
«Permettre à l'ONU d'avoir un rôle dirigeant dans les ports est un premier pas vital. Nous devons voir cela arriver dans les jours qui viennent», a fait valoir Martin Griffiths lors d'une liaison vidéo avec le Conseil depuis ses bureaux établis en Jordanie.
Une résolution pour entériner les acquis obtenus lors des consultations organisées en Suède entre le gouvernement yéménite, soutenu par l'Arabie saoudite sunnite, et les rebelles houthis chiites, appuyés par l'Iran, est attendue la semaine prochaine. Elle doit aussi formaliser la création d'un «régime de surveillance» confié à des observateurs de l'ONU à Hodeida (ouest), porte d'entrée de l'aide humanitaire internationale au Yémen.
Selon des diplomates, quelque 30 à 40 observateurs pourraient être déployés à Hodeida, une ville où vivent environ 600.000 personnes qui est contrôlée par les rebelles houthis et encerclée par les forces gouvernementales.
Quelques dizaines d'observateurs suffiront-ils à garantir un cessez-le-feu et un retrait des combattants ? «Cela peut fonctionner. Est-ce que cela va fonctionner ? Nous ne savons pas», admet un diplomate, tandis qu'un autre trouve qu'une trentaine d'observateurs «ce n'est pas beaucoup» au vu du défi à remplir, même épaulés par des moyens aériens sophistiqués.
L'objectif est que l'ONU ait «un rôle dirigeant pour aider à la gestion et aux inspections des ports sur la mer Rouge de Hodeida, Salif et Ras Issa», a précisé Martin Griffiths.
Vendredi soir, des habitants ont fait état d'affrontements, certains parlant de tirs intermittents, d'autres de tirs d'artillerie.
Les Houthis ont accusé les forces progouvernementales d'avoir tiré des obus sur des secteurs que les rebelles contrôlent dans la province de Hodeida. Ils ont également accusé la coalition militaire dirigée par le royaume saoudien d'avoir lancé des raids aériens vendredi soir sur plusieurs régions de cette province.
Sans attendre une résolution, des observateurs pourraient se rendre sur place rapidement, selon des diplomates. Martin Griffiths a annoncé que le général néerlandais Patrick Cammaert, qui a déjà participé à des missions de l'ONU en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, avait accepté de diriger le futur mécanisme de supervision international au Yémen. Il est attendu «au milieu de la semaine prochaine dans la région», a dit l'émissaire.
Accord fragile
L'ONU a obtenu jeudi une trêve dans plusieurs régions dévastées du Yémen, pays au bord de la famine, à l'issue de consultations de paix en Suède qui ont permis un compromis âprement négocié.
Aux termes de l'accord, un cessez-le-feu «immédiat» devait entrer en vigueur à Hodeida, principal front du conflit et port de la mer Rouge par lequel transite l'essentiel des aides humanitaires et importations. Le retrait des combattants devrait intervenir dans les «prochains jours».
L'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley a souligné que «la pire crise humanitaire au monde réclamait (pour le Conseil de sécurité) de prendre des mesures afin que les parties belligérantes rendent des comptes pour leurs actes». «Cela exige de répondre à l'agression iranienne, qui est à l'origine de la crise», a-t-elle dit.
Washington accuse régulièrement l'Iran de soutenir militairement les rebelles houthis, ce que Téhéran dément, ne reconnaissant qu'un soutien politique.
Nikki Haley a aussi indiqué attendre que «les parties commencent à retirer leurs forces dans les jours à venir» de Hodeida.
Menacés de famine, «des millions de Yéménites continuent de chercher désespérément de l'aide et de la protection», avait affirmé au préalable au Conseil de sécurité le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock. Lundi, il avait affirmé que l'ONU était en quête de quatre milliards de dollars pour aider en 2019 quelque 20 millions de Yéménites, soit 70% de la population.
Après l'accord conclu en Suède, «des progrès sont absolument possibles», mais «nous avons besoin de beaucoup plus à ce sujet maintenant», a souligné M. Lowcock.
Si un accord fragile a été obtenu pour Hodeida, plusieurs points de blocage demeurent. Aucun accord n'a en effet été trouvé sur le redressement de l'économie yéménite, ni sur la réouverture de l'aéroport de la capitale Sanaa. Contrôlé par les rebelles et fermé depuis trois ans, il fait de facto l'objet d'un blocus par la coalition progouvernementale, qui reste maîtresse du ciel.