Les tensions restaient vives samedi en Suède entre négociateurs du gouvernement yéménite et de la rébellion, réunis pour tenter de renouer le dialogue en vue de mettre fin à un conflit qui «affame» des millions de civils, selon des agences humanitaires.
Le gouvernement soutenu par l'Arabie saoudite sunnite et la rébellion appuyée par l'Iran chiite sont réunis près de Stockholm pour des consultations sous l'égide de l'ONU, une première depuis deux ans et demi.
Si des responsables onusiens se sont félicités de «l'esprit positif» dans lequel se tiennent ces consultations, le ton demeure largement hostile entre les deux camps.
Le gouvernement a accusé samedi les rebelles Houthis de ne «pas être sérieux» dans la recherche d'un règlement à la guerre dévastatrice qui les oppose depuis 2014.
«L'expérience définit les attentes et d'expérience je dirais que non, ils ne sont pas sérieux», a déclaré à la presse Rana Ghanem, une membre de la délégation yéménite.
«Mais notre espoir (...) est d'aider à alléger les tensions et les souffrances des Yéménites», a-t-elle ajouté.
«Nous sommes sérieux, nous l'avons montré», a rétorqué un représentant Houthi. «C'est l'autre partie qui n'est pas sérieuse», a ajouté Abdulmalik al-Hajji.
Toutes les tentatives pour mettre fin à la guerre qui dure depuis quatre ans ont jusqu'ici échoué, alors que la situation humanitaire au Yémen, la pire du monde selon l'ONU, se dégrade de jour en jour.
En septembre, des pourparlers de paix ont achoppé sur le refus des négociateurs Houthis de se rendre à Genève sans garanties sur leur voyage de retour vers Sanaa et sur l'évacuation de rebelles blessés vers Oman.
Les consultations en Suède ont lieu grâce aux efforts de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, le Britannique Martin Griffiths, qui agit comme médiateur entre les deux parties.
Mme Ghanem a confirmé samedi que les délégations ne s'étaient pas encore rencontrées directement mais avaient pu échanger de façon «informelle» dans les salons du centre de conférences où se tiennent les pourparlers.
Des millions d'«affamés»
Parmi les dossiers à l'étude figurent la situation économique catastrophique du pays, l'application d'un accord sur l'échange de prisonniers conclu cette semaine, la réouverture de l'aéroport de la capitale Sanaa et le contrôle de la ville portuaire de Hodeida (ouest) par où transite l'essentiel de l'aide humanitaire.
Le gouvernement exige vainement le retrait intégral des rebelles de ce port sur la mer Rouge, qui est le théâtre d'intenses combats. Il les accuse de l'utiliser pour importer des armes.
«Le port doit retourner sous (le contrôle de) l'administration qui le dirigeait en 2014», avant sa conquête par les rebelles, a indiqué à l'AFP le ministre des Affaires étrangères yéménite, Khaled al-Yémani.
L'abandon de Hodeida «n'est pas à l'ordre du jour», avait prévenu vendredi un négociateur Houthi.
Les rebelles de leur côté demandent la réouverture de l'aéroport de la capitale Sanaa au trafic civil. Les rebelles contrôlent l'aéroport mais l'Arabie saoudite reste maître du ciel yéménite.
M. Yémani a exprimé «la vision» du gouvernement, en exil à Aden, de faire de cette grande ville du sud le principal aéroport du pays.
Le Yémen, déjà le pays le plus pauvre de la péninsule arabique, est le théâtre de la pire crise humanitaire au monde selon l'ONU, qui estime à 14 millions le nombre de civils menacés par la famine.
L'économie du Yémen s'est totalement effondrée et le riyal, la monnaie locale, a perdu plus de 36% de sa valeur en 2018, provoquant une forte hausse des prix des produits de base, en particulier des denrées alimentaires.
Dans un rapport publié samedi, des agences de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, du Fonds pour l'enfance (Unicef) et du Programme alimentaire mondial (PAM) ont indiqué que jusqu'à 20 millions de Yéménites étaient actuellement en situation d'insécurité alimentaire.
Quelque «15,9 millions de personnes se réveillent déjà affamés», ont-elles alerté, se basant sur l'échelle du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire de la FAO (IPC).
Pour le directeur du PAM, David Beasley, cette analyse «est une sonnette d'alarme qui montre que la famine augmente».
L'ouverture de corridors humanitaires devait être mise à l'étude lors des consultations de Stockholm.