Andrés Manuel Lopez Obrador, premier président de gauche de l'histoire récente du Mexique, prend officiellement ses fonctions samedi, laissant présager un profond changement de politique dans un pays lassé par la corruption, la pauvreté et la violence.
Surnommé «AMLO», suivant ses initiales, M. Lopez Obrador, qui s'est fait élire comme candidat anti-système, a promis d'accomplir une «transformation» historique du Mexique. Après sa large victoire à l'élection présidentielle du 1er juillet, et la majorité obtenue par la coalition dirigée par son parti Morena aux deux chambres du Congrès, il bénéficiera d'une marge de manoeuvre inédite pour un président mexicain.
Une première
Sa victoire est la plus ample depuis la mise en place du multipartisme au Mexique en 2000, et la première pour un candidat de gauche. AMLO, 65 ans, hérite toutefois de son impopulaire prédécesseur Enrique Pena Nieto d'une série de problèmes épineux.
Sur la pile des dossiers qui l'attendent figurent notamment la violence croissante alimentée par le narcotrafic, la corruption endémique, la crise migratoire avec une caravane de 6.000 migrants qui campe à la frontière nord, sans oublier une relation diplomatique hautement inflammable avec les Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump.
Confronté à des crises sur de nombreux fronts, M. Lopez Obrador promet une présidence unique en son genre, martelant qu'il va "en finir avec la corruption" et la gabegie d'argent public pour financer notamment différents programmes sociaux.
Il a renoncé à occuper la résidence présidentielle, à utiliser l'avion présidentiel, à bénéficier d'une sécurité rapprochée et va réduire son salaire de plus de moitié. Beaucoup craignent toutefois que son gouvernement ne verse dans une forme d'autoritarisme et de radicalisme, et certains déplorent le flou qui entoure son programme.
Le monde des affaires de la deuxième puissance d'Amérique latine est particulièrement nerveux et, depuis les élections, le peso mexicain et la bourse mexicaine ont plongé. La défiance a été exacerbée par sa décision d'annuler fin octobre la construction du futur aéroport à Mexico, d'un coût de 13 milliards de dollars, dont un tiers est déjà achevé, après une consultation publique entachée d'irrégularités.
Son intronisation à la tête du Mexique sera différente de celle de ses prédécesseurs. Après avoir prêté serment et revêtu l'écharpe présidentielle devant les membres du Congrès et ses invités, M. Lopez Obrador a prévu de se rendre sur la place centrale de Mexico, le Zocalo, afin d'y être intronisé par un représentant des peuples indigènes mexicains, avant un concert rassemblant différents artistes latino-américains.
Andres Manuel Lopez Obrador y prononcera un second discours, tout près du Palais national. C'est dans ce siège historique du pouvoir longtemps désaffecté - qui abrite des peintures murales du grand peintre mexicain Diego Rivera -, que le nouveau président envisage d'installer ses bureaux. Il délaissera l'actuelle résidence présidentielle de Los Pinos, un vaste complexe situé dans un parc verdoyant à l'écart de l'agitation de la capitale, qui dès samedi sera partiellement ouvert au public.
De nombreux présidents d'Amérique latine, dont le Vénézuélien Nicolas Maduro, doivent faire le déplacement à Mexico ainsi que le roi d'Espagne Felipe VI, le vice-président américain Mike Pence et Ivanka Trump, la fille du président américain. Donald Trump, actuellement au sommet du G20 en Argentine, a jusqu'à présent noué une relation étonnamment chaleureuse avec M. Lopez Obrador, même si la crise migratoire à la frontière pourrait compliquer la lune de miel.
Le président américain fait pression sur AMLO pour qu'il accepte un accord stipulant que les migrants demandant d'asile aux Etats-Unis resteront sur le sol mexicain le temps que leur demande soit étudiée par les autorités américaines. Le ministre des Affaires étrangères de M. Lopez Obrador, Marcelo Ebrard, devrait se rendre à Washington dès dimanche pour des entretiens à ce sujet avec son homologue américain Mike Pompeo.